A la belle étoile, a découvert

OP
AI

aIIocs

il y a un mois

En partant pour Mérens-les-Vals, désireux de retrouver les sources d'eau chaude, je n'avais aucune idée de ce que cette soirée me réservait. J'avais prévu de bivouaquer à quelques pas du bain, espérant profiter d'une baignade nocturne dans le calme absolu, sous le reflet blanchâtre des montagnes. En quelques minutes, j'y serais.

À mon arrivée, les bains sont pleins. Des adolescentes nues occupent le bassin, et cette vision me met mal à l'aise. Je préfère me mettre sur le côté, un journal à la main, attendant que l'endroit se vide. Mais très vite, je ressens des regards posés sur moi. Des regards interrogateurs. Peut-être accusateurs ? Je ne regarde pas ces adolescentes ! Au contraire, je m'efface pour préserver leur intimité. Si vous vous mettiez à ma place, vous ne verriez que des arbres.

J'ai toujours pensé que la peur d'être jugé à tort transparaît dans l'attitude. Qu'elle fige le corps, qu'elle trahit un malaise, rendant suspect celui qui n'a pourtant rien à se reprocher. J'imagine déjà quelqu'un m'interpeller, m'ordonner de m'asseoir ailleurs, loin du bain. Autant prendre les devants et établir mon campement plus haut, à une centaine de mètres.

Seulement, j'ai oublié mes piquets. Ce soir, ce sera à la belle étoile.

En contrebas, j'aperçois deux personnes en train d'installer leur campement. Je cherche un prétexte pour engager la conversation. Pourquoi ne pas leur demander s'il est autorisé de faire un feu ici ? La réponse est évidemment non, mais au moins, ça nous fera parler.

Je descends la pente et découvre deux hommes, arabes, au milieu d'un chaos qui me rappelle ces images générées par IA, un désordre étrange, crédible mais irréel. Je me méfie. Dans cette région de rouge pastèque où certains font monter des migrants vers Paris, mieux vaut être prudent. Je ne tiens pas à me faire planter pour mon duvet Naturehike 0°C.

Arrivé à leur hauteur, je les surprends autant qu'ils me surprennent. Je lance un hésitant :

Bivouac ?! Bivouac ?!

Comme si je savais d'avance qu'ils ne parlaient pas français. Comme si ce mot était universel.

Ils sont bel et bien français, et j'espère que ma première interaction, bien que succincte, n'a pas trahi un jugement hâtif. Le plus âgé, qui semble expérimenté, m'accueille chaleureusement. Je lui explique que je campe juste au-dessus, et il me répond que je peux venir le voir si j'ai besoin de quoi que ce soit. Je lui rends la politesse, même si je n'ai rien à offrir. j'ai de la semoule pour la moitié d'une personne et un carré de chocolat. En vérité, j'espère qu'il ne me demandera rien, mais s'il venait à me rappeler ma promesse, je lui donnerais tout ce que j'ai.

À ce moment-là, je décide de m'interroger (plus tard) sur mes préjugés.

Je redescends aux sources. Cette fois, pour me baigner. Le temps a filé, et il ne reste que des adultes. Le bassin est occupé par quatre jeunes hommes superbes, à peine vingt ans, et un couple de femmes, lovées l'une contre l'autre dans un coin du bain. Je devrais aussi remettre en question mes préjugés sur les LGBT (plus tard aussi). Elles rient à gorge déployée, les yeux dans les yeux, et je me demande si j'ai déjà ressenti une telle intensité amoureuse.

Moi, même rire pleinement m'a toujours semblé impossible. Enfant, je me retenais par honte de ma dent de travers. Alors, peu à peu, j'ai arrêté de sourire.

Je me déshabille et entre dans l'eau, tentant de me rassurer sur mon corps. Sous la lueur de la lune, mon reflet me semble plus digne. Je refuse de paraître faible face à ces jeunes chad occitans. Je barbote seul, face à ces deux groupes. L'un des jeunes engage la conversation et me vouvoie, comme si j'étais un vieux.

Tu peux me tutoyer, lui dis-je.

Ironique. Une phrase de vieux, justement. Mais autant assumer l'âge plutôt que de le justifier.

Ils prennent des photos. Le flash illumine leurs visages pleins de vigueur et de beauté. Je les envie. Moi, à leur âge, j'avais déjà des cernes et une carence en vitamine C visible jusque dans mes cheveux.

J'ai toujours pensé que l'envie était le pire des péchés. Sans elle, combien de crimes, de vols, de jalousies n'existeraient pas ?

Face au manque d'interactions, je sors du bain sous un froid glacial. Mais je ne montre rien, dernière tentative d'obtenir un semblant d'estime. Je disparais dans l'anonymat. Peut-être riront-ils de moi une fois que je serai parti.

En remontant à mon campement, j'aperçois un feu briller plus bas. J'hésite, cherche un autre prétexte idiot pour rejoindre les deux hommes et profiter de la chaleur de leur feu. Ils m'accueillent avec plaisir.

Au moins, j'aurai été accepté quelque part, même si ce n'était que mon plan B.

Je discute avec Jawad, le plus expérimenté des deux. Son campement, auparavant chaotique, est maintenant bien organisé, bien plus que mon sac de couchage posé à même le sol. Ils me tendent un joint. Je fume avec prudence, surveillant les effets. Ce n'est pas le moment de devenir parano, pas ici, en pleine montagne, entouré d'inconnus et de loups.

Dans la fumette, il y a toujours cet instant flottant, cet entre-deux où chacun remet en question ses dernières décisions. Moi, je me demande si j'ai bien fait de venir. Eux, peut-être, s'interrogent sur leur choix de m'avoir accueilli.

Je parle avec Akram, le plus jeune, qui a mon âge. 27 ans bien tassés, des rêves envolés et une addiction à la nicotine. Il me ressemble plus que ces Giga Chad du bassin. On parle musique. Il enchaîne sur le rap, puis sur les cités de France. Ça me laisse songeur.

Jawad me dit qu'on ne peut pas croiser de mauvaises personnes en montagne.

Ce n'est pas qu'il n'y a pas de mauvaises personnes, je lui réponds. C'est qu'ici, personne ne sort son mauvais côté.

En disant ces mots, je pense à moi. Je ne suis pas cruel, mais j'ai une morale limitée et un esprit opportuniste.

Jawad fait griller des merguez. Il m'en propose une. Naturellement, je refuse par politesse, attendant qu'il insiste une deuxième fois pour accepter.

Plus tard, je descends aux bains une seconde fois, accompagné de mes nouveaux compagnons. Un autre groupe a remplacé les gouines et les chads. Ils sont plus âgés, mais juvéniles dans leur manière de parler et d'agir.

Jawad et Akram remontent rapidement à leur camp, me laissant seul dans ce bain avec ces gamins, au cœur du brouhaha nocturne. Face à moi, la montagne. J'ai l'impression de lui tenir tête. Qu'est-ce que je m'imagine ?

Le groupe de jeunes restants m'adresse la parole, me vouvoyant. Cette fois, ça me convient. Je les quitte peu après, remontant dans ma colline en claquant des dents. Je n'ai plus personne à impressionner par mon stoïcisme.

Ce soir, je dors à la belle étoile. Et je ne sais pas si j'aurais dû sortir.

OP
AI

aIIocs

il y a un mois

HOP HOP HOP ON NOTE MA SOIREE DE LA VEILLE
OP
AI

aIIocs

il y a un mois

Ok bien.
SF

SnakeFeed

il y a un mois

Bah t'as fait des rencontres et c'est cool
OP
AI

aIIocs

il y a un mois

Je pense aussi, je parle surtout de la sur réflexion toutes ces pensées ont été faite dans l'instant et on parasiter ces moments