C'était vendredi soir, j'avais déjà englouti un menu macdounald complet
et j'étais en train de regarder un film sur mon ordinateur.
C'est au milieu de la projection que tout se gâta. Je sentis d'abord ma bedaine se mouvoir, trembler, peut-être de peur car elle savait ce qui se tramait, mais je refusai d'y prêter attention.

Il ne me fallut pas plus de dix minutes pour regretter mon choix. Déjà, mes entrailles remuaient dans tous les sens, j'entendais leur désespoir à travers mon épiderme et je tentais de les rasséréner en vain.
L'effroi finit par me saisir à mon tour. Mon cœur s'accélérait et battait au rythme de mes sphincters qui se contractaient puis de se relâchaient avant d'éjecter plusieurs petites pétarades qui ne cessaient d'agresser mon organe olfactif.
Conscient du danger qui m'attendait, je devinai comment tout cela allait se terminer. J'enfourchai mes chaussons et me mis en branle vers la salle de la délivrance, celle dont mon salut dépendait. Le trône en vue, une autre pétarade intervint, comme un ultime avertissement et m'arrêta sur place. Un faux-pas et c'est mon carrelage qui en pâtira.
Doucement, je me décidai à parcourir les quelques mètres restant sur les genoux. Ce moment fut comme une brisure dans la course ininterrompue du temps.
J'entendais Héphaïstos, armé de son burin et de son marteau, donner forme à quelque chose d'indicible en moi. La boîte de Pandore était sur le point de s'ouvrir et ses malheurs infernaux se déverseraient sur la Terre si je ne me hâtais pas.
Mes mains agrippèrent la selle et mes bras bouffis me hissèrent au sommet. En position, j'écartai de mes doigts boudinés la peau chargée de graisse qui encombrait le chemin menant à mon fondement afin que ce dernier pût respirer. L'intensité des contractions se décupla et la bête voulut briser ses chaînes.
C'est avec panache que j'exauçai son vœu et, dans un grondement rauque digne d'un moine bouddhiste en pleine méditation, laissai s'échapper un véritable raz-de-marée de merde. L'immaculée cuvette fut recouverte d'un poison nauséabond qui m'obligea à fermer la porte pour contenir le mal.
Cependant, le calvaire n'était point encore terminé. Sans crier gare, une énorme crotte se tassa et toqua à la porte de mon anus en quête d'air frais.
Alors, je m'efforçai, je poussai de toutes mes forces et à plusieurs reprises mais l'objet de mon malheur était bien trop gros pour mon délicat fessier.
Dans un ultime moment de lucidité, je levai les bras vers le ciel, implorant la miséricorde de tous les dieux que je connaissais. Je les suppliai de me donner la force d'expulser de mon cul cette engeance maudite.
Magnanimes, ils accédèrent à ma demande et je sentis monter en moi une féconde puissance capable de me libérer de mon fardeau putréfié. Dans un effort incommensurable qui provoqua l'explosion d'une veine sur mon front, j'extradai lentement mais sûrement de mon fion vers le lac noir l'immense pourriture responsable de mes maux.
Je hurlai à la mort alors que le monstre se séparait de mon corps.
Pendant quelques minutes, j'eus un aperçu de ce que traversèrent et endurèrent des milliards de femmes avant moi. Je donnai la vie dans la douleur.
Je sus que c'était terminé quand le bruit d'une barre de fer qu'on laisse tomber sur le sol se fit entendre : un simple « bonk » se substitua à l'habituel « plouf ». Je me levai alors de la chiotte qui avait courageusement supporté mon embonpoint dans l'espoir d'admirer mon œuvre. Je ne fus pas déçu, il était magnifique.
C'était un énorme cylindre long comme la nuit et ténébreux comme l'ébène qui affirmait sa stature en occupant tout l'espace à sa disposition. Le bougre avait même absorbé la coulée de chiasse qui avait fusé un peu plus tôt. A vue de nez, le crime pesait près d'un kilogramme. Les intestins n'avaient pas correctement rempli leur office car la couleur n'était pas totalement uniforme et à certains endroits on distinguait quelques morceaux de pommes de terre qui n'avaient pas été digérés.
Avide de vie, mon unique fils sut maintenir sa tête hors de l'eau noirâtre pour éviter la noyade.
Malgré cela, il se sut condamné quand il vit ma main approcher le bouton qui mettrait fin à son existence. Nous échangeâmes quelques regards. Ma main, hésitante, tremblait.
Je ne pouvais me résoudre à l'abattre. Pendant un court instant, je crus entendre les pleurs d'un nourrisson qui ne demandait qu'à ce qu'on le recueillît.
Dans un élan de cruel courage, je finis par appuyer sur le bouton. Aucun retour en arrière n'était possible.
Il fit plusieurs tours sur lui-même avant de disparaître dans la tuyauterie à tout jamais. Comme une mère à qui on arrache son enfant, je ne pus retenir mes larmes et un sanglot fut aspiré dans le tourbillon qui menait aux égouts.
En provenance du gouffre mortuaire, j'ouïs une voix : « Papaaaaaa », à laquelle je répondis tendrement par un « Adieu fils, adieu Crottin 1er ».