Le Parisien :
Sur le parking de cet immense complexe résidentiel de haut standing en banlieue de Bucarest stationne une ribambelle de voitures de luxe : une Jaguar, une Porsche, une Lamborghini, de puissantes Mercedes et BMW mais aussi des 4X4 à l'instar de ce pick-up presque aussi gourmand en carburant qu'un bus ou ce dernier modèle de Jeep. Le long des immeubles où une centaine d'appartements sont fraîchement sortis de terre, on croise, par - 4 °C, une dame portant un manteau à fourrure, une autre vêtue d'une doudoune Prada qui n'a pas peur de chuter sur le bitume métamorphosé en patinoire. L'atmosphère est à première vue bling-bling.

Pour se planquer, La Mouche, le surnom de Mohamed Amra, n'a pas atterri dans un trou à rats. Pendant près de deux semaines, le narcotrafiquant s'est caché dans un appartement avec balcon de cette propriété privée située à Voluntari, de l'autre côté de la ligne de chemin de fer qui fait office de frontière avec la capitale roumaine.
Le logement a été loué pour 6 mois par contrat. Trois mois ont été payés à l'avance, soit, selon nos informations, la somme de 5 000 euros en cash. « Le loyer mensuel d'un studio ici est à 500 euros. Pour un deux-pièces, c'est entre 700 et 1 000 euros. Et pour un F3, il faut compter entre 1 200 et 1 700 euros », détaille une propriétaire au sein de la résidence.

« Ici, vous trouvez des chefs d'entreprise, mais aussi des étudiants, des étrangers », recense un locataire. Certains appartements sont proposés à la location touristique via des sites Internet, à 70 euros la nuit par exemple dimanche dernier pour un studio avec baignoire.
Le parc de logements est gardé par des vigiles, notamment à la barrière à l'entrée pour laisser passer les véhicules. Certains font des rondes et n'hésitent pas, de manière sèche, à pousser vers la sortie les intrus. L'exploitation, par les enquêteurs roumains, des vidéos des caméras de surveillance de la résidence a permis de localiser et pister l'évadé normand avant de passer à l'action.

La traque s'achève samedi dans l'après-midi alors que le fugitif, après être sorti du taxi, s'apprêtait à pénétrer dans un barbershop pour se faire couper les cheveux. À l'intérieur, trois coiffeurs sont aux petits soins.
Lors de sa fin de cavale, Mohamed Amra était, selon la police, en possession de « faux documents » d'identité français et « de l'argent roumain ». Au moment de son arrestation par les policiers roumains, l'enquêteur de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (Oclclo) qui vient dans le cadre de la coopération judiciaire entre les deux pays épauler ses homologues est encore dans l'avion. En réalité l'interpellation d'Amra était programmée pour le début de cette semaine mais « les Roumains n'ont pas voulu prendre le risque de le voir s'échapper et ont choisi de passer à l'action à un moment opportun », rapporte une source proche de l'enquête. Le policier de l'Oclco était en revanche présent lors de la perquisition de l'appartement.

Dans sa planque, « plein de téléphones, de cartes SIM et de faux papiers » sont retrouvés selon une source proche du dossier. Les enquêteurs ont également procédé à l'intérieur de l'appartement qui n'a pas été mis sous scellés à des prélèvements ADN et traces papillaires.
En garde à vue, le narcotrafiquant n'a « pas trop voulu coopérer » avec les enquêteurs à en croire Bogdan Ghebaur et a indiqué qu'il se trouvait en Roumanie pour « de la chirurgie esthétique afin de modifier son physique » avant d'espérer pouvoir s'envoler vers « la Colombie ». Des déclarations qui rendent dubitatif le porte-parole du ministère de l'Intérieur.

« Il n'y a aucun élément matériel, pas de rendez-vous dans une clinique », avance-t-il. « Pour moi, il ne venait pas pour changer de visage, il ne dit pas la vérité. Il a cru, à tort, que la Roumanie était un repaire de voyous et d'interlopes, nous souffle une autre source policière. Mais il a commis une erreur car c'est tout le contraire, c'est un pays avec beaucoup de surveillance ! »