Je n'aime pas trop le genre du roman, mais il m'arrive parfois de lire quelques textes éparses pour en admirer le style ou l'ambiance et cela peut suffire à m'émouvoir. Je pense par exemple au Rêve dans le pavillon rouge de Cai Xueqin, un roman classique du XVIIeme et pour lequel nous sommes chanceux d'avoir une traduction française de bonne qualité.

Dans ce livre, l'auteur explore des croyances chinoises anciennes, notamment celle du Yuanfen, ou "affinité prédestinée", qui décrit un lien karmique entre deux âmes destinées à se retrouver à travers le temps et l'espace, indépendamment des circonstances. Ce thème permet de raconter l'histoire d'un esprit caillou, qui rêve de se réincarner dans le monde des humains. Avec l'aide d'un moine taoïste et d'un moine bouddhiste, il parvient à réaliser ce souhait, bien qu'avant de le faire, les deux moines le mettent en garde contre l'absurdité de la vie humaine, à la fois éphémère et emplie de vanités.

Il naît donc dans une famille aristocratique, sous le nom de Jia Baoyu. C'était un beau jeune homme que tout le monde aimait, en particulier les femmes de son clan. Parmi elles, il y a Lin Daiyu, une fille tombée amoureuse de Baoyu dès le premier regard et le sentiment était réciproque. Problème, cet amour mutuel était inexprimable car Baoyu était promis à une autre. Lin, rongée par la jalousie, ne pouvait donc qu'obéir aux décisions du clan et souffrir en silence.
On apprend dès le début du roman que cet amour est une réminiscence d'une vie antérieure. Dans cette existence passée, Lin était une plante céleste, que l'esprit caillou avait arrosé chaque jour pour l'aider à s'épanouir. Lorsque le caillou s'est réincarné en humain, la plante avait décidé de le suivre, en se réincarnant elle aussi auprès de lui pour lui rendre la pareille. Lin est donc venue au monde pour l'aimer en silence, et, par cette souffrance, rembourser la "dette de larmes" envers la personne qui l'avait tant protégée dans leur existence antérieure. Elle finit par trouver la paix en mourant prématurément, et Baoyu après avoir traversé une longue période de désespoir, se libère de ses attaches terrestres.