...Sur l'anthropologie. Je résume sa "fabuleuse découverte" (qu'il présente comme factuelle, pas comme une piste) :

Il y a trois types de milieux qui génèreraient trois types de populations :

-Les "milieux à apports caloriques constants", comme les forêts tropicales et subtropicales. En gros, les gens issus de ces milieux ne se soucieraient pas de l'avenir, ils profiteraient surtout du moment présent parce qu'ils n'auraient pas à se soucier du manque. Ils transmettraient la vie "le plus souvent possible avant de mourir", puisque d'après lui, on y meurt plus facilement à cause des maladies et des prédateurs

Exemple cité : les africains subsahariens

-Les "milieux à cycles manque/abondance", comme sous nos climats tempérés, avec une saison sans ressources et une saison où il faut stocker en prévision de la précédente. Toujours d'après lui, les gens issus de ces milieux sont de grands bâtisseurs et des intellectuels qui se projettent dans de vastes constructions intellectuelles héritées de leur besoin angoissé de faire des stocks avant la saison de manque. Ils sont donc moins spontanés.

Exemples cités : les égyptiens, les chinois et les européens

-Et enfin les "milieux à apports caloriques limités", comme les déserts. Les gens y seraient plus hospitaliers (car verraient l'étranger comme une source potentielle d'apports caloriques) mais aussi plus territoriaux pour éliminer la concurrence. Ils agiraient avant d'analyser, en bons adeptes de la razzia et du commerce. Ils auraient des lois plus strictes, notamment pour les mariages, ne laissant se marier que les hommes les plus pourvus en énergie via les terres et le bétail.

Exemples cités : Les arabes et les maghrébins

Eh bien dans la majorité des cas et pour la plus grande partie de l'histoire humaine, ces propositions ne se vérifient pas. Il faut des conditions très précises pour faire émerger des civilisations : il n'y a ainsi eu que six berceaux de la civilisation : Le nord-ouest du Pérou, la Mésoamérique, la Mésopotamie, la vallée du Nil, la vallée de l'Indus et les abords du fleuve jaune

Les civilisations européennes de l'âge du bronze étaient toutes centrées sur la Grèce et Chypre, et ne sont advenues que suite à des influences mésopotamiennes et égyptiennes. Delavier insiste sur les prédispositions génétiques des européens, alors que la plupart des européens de l'âge du bronze vivaient dans des sociétés comparables à beaucoup de celles qu'on trouvait en Afrique subsaharienne pré-coloniale (des chefferies agricoles) malgré des hivers parfois rigoureux

De même, comment se fait-il que les populations de savane ne soient pas toutes de grandes bâtisseuses alors qu'on y voit une alternance très nette entre sécheresse destructrice et saison des pluies agréable ?

Le problème vient de ce que Delavier se trompe dans la cause : ce n'est pas le milieu qui fait la rareté ou l'abondance calorique, mais la pratique sociale, qui peut certes êtte influencée par le milieu, mais ce dernier est loin d'être la raison principale des manques ou des surplus. Il y a tout un jeu de contaminations culturelles et d'isolements géographiques à l'œuvre

Si ses propositions se vérifiaient, alors les bushmen du Kalahari seraient de redoutables guerriers ou marchands, de même que les inuits. On verrait de grandes variations entre les aborigènes australiens du désert, du bush, des forêts du nord et de Tasmanie. À l'inverse, il n'y aurait pas de différence entre les hiwi et les aché d'Amazonie

Delavier part aussi de plusieurs principes faux : les prédateurs naturels constituraient une grande menace dans les zones "à apports caloriques constants", alors que c'est faux. Un grand nombre d'animaux du désert sont très venimeux, et la mégafaune a en grande partie été décimée par les humains dès qu'ils ont pu mettre la main sur des lances. Il classe le Maghreb comme une zone à apport calorique faible du fait de son enclavement alors que Carthage disputait son influence à Rome

On a vu des cités se bâtir sous tous les climats (hormis polaire), et des peuples très différents vivre sous des climats identiques. J'en profite pour rappeler aux amateurs de la carte que les subsahariens avaient plusieurs États avec de grands bâtiments avant la colonisation (le Monomotapa, l'Empire Mandingue, l'État d'Adamawa, les royaumes Hausa, etc). alors que beaucoup de populations amérindiennes n'en avaient pas (notamment en amérique du sud)

Bref, Delavier raconte n'importe quoi

Thomas Durand a le mérite d'avoir une vraie formation scientifique, ce qui n'est pas le cas de notre cheikh Dieulavier

sur les peupliers