F-R Rideau sur la France : "une civilisation qui a honte d'exister bientôt n'aura plus ce problème"
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Mise à jour: il y a 9 mois
SinCiotti
il y a 9 mois
Je poursuivrais avec Cioran.
Les peuples sans destin ne sauraient en donner un à leurs fils qui, assoiffés d'autres horizons, s'en éprennent et les épuisent ensuite pour finir eux-mêmes en spectres de leurs admirations et de leurs lassitudes. N'ayant rien à aimer chez eux, ils placent leur amour ailleurs, dans d'autres contrées, où leur ferveur étonne les indigènes. Trop sollicités, les sentiments s'usent et se dégradent, en premier lieu l'admiration… Et le Métèque qui se dissipa sur tant de routes, s'écrie : « Je me suis forgé d'innombrables idoles, ai dressé partout trop d'autels, et me suis agenouillé devant une foule de dieux. Maintenant, las d'adorer, j'ai gaspillé la dose de délire qui m'échut en partage. On n'a de ressources que pour les absolus de son engeance, une âme comme un pays ne s'épanouissant qu'à l'intérieur de ses frontières : je paye pour les avoir franchies, pour m'être fait de l'indéfini une patrie, et de divinités étrangères un culte, pour m'être prosterné devant des siècles qui exclurent mes ancêtres. D'où je viens, je ne saurais plus le dire : dans les temples, je suis sans croyance ; dans les cités, sans ardeur ; près de mes semblables, sans curiosité ; sur la terre, sans certitudes. Donnez-moi un désir précis, et je renverserai le monde. Délivrez-moi de cette honte des actes qui me fait jouer chaque matin la comédie de la résurrection et chaque soir celle de la mise au tombeau ; dans l'intervalle, rien que ce supplice dans le linceul de l'ennui… Je rêve de vouloir et tout ce que je veux me paraît sans prix. Comme un vandale rongé par la mélancolie, je me dirige sans but, moi sans moi, vers je ne sais plus quels coins… pour découvrir un dieu abandonné, un dieu lui-même athée, et m'endormir à l'ombre de ses derniers doutes et de ses derniers miracles. »
TONTONJACOB
il y a 9 mois