Troisième année

Tu te rends compte qu'il existe une même procédure qui :

• lorsque tu pars des entiers et des opérations d'addition/multiplication, te construit les pré-entiers et les opérations d'influence/cardification,
• lorsque tu pars des pré-entiers et des opérations d'influence/cardification, te construit les entiers et les opérations d'addition/multiplication.

Cette procédure te permet de transformer tout théorème sur les entiers en un théorème sur les pré-entiers et tout théorème sur les pré-entiers en un théorème sur les entiers.

Se révèle alors une technique de démonstration particulièrement puissante. On choisit un théorème classique sur les entiers, puis le traduit en termes de pré-entiers, et enfin applique la procédure allant du monde pré-entier vers le monde entier. Ainsi, un théorème classique engendre un théorème généralement nouveau.

Cette méthode a l'avantage d'être parfaitement mécanique : il suffit d'appliquer soigneusement la méthode sans besoin d'être créatif ou inspiré. Par contre, elle prend des centaines voire milliers de pages à appliquer à chaque fois.

Partant du théorème "1+1=2", tu déroules dans ta tête le raisonnement pendant 2 mois et résous la conjecture des nombres premiers jumeaux.

Partant de l'identité remarquable "(a+b)²=a²+2ab+b²", tu obtiens la confirmation de l'hypothèse de Riemann.

Tu es convaincu que les opérations que tu as développées sont aussi fondamentales encore que l'addition et la multiplication. Tu comprends que, étant donné la physique de notre univers précis, étant donnée la structure de notre cerveau, il n'est pas étonnant qu'on comprenne facilement l'addition et la multiplication, et que l'influence et la cardification ne soient pas intuitives de base et ne puissent pas se définir en moins de quelques centaines de pages. Pourtant, si une personne a, implantée en elle, l'intuition de l'influence et la cardification, tu vois bien qu'alors toutes les formules de Ramanujan sautent aux yeux et que la majorité des problèmes ouverts actuels en arithmétique devient des exercices.

Tu entrevois que l'effet de miroir que tu as mis à jour sur les entiers est beaucoup plus général et peut s'appliquer à à peu près n'importe quelle structure. Toute structure a une pré-structure avec laquelle elle est en effet de miroir.

Le monde ignore ton existence.

Cinquième année

Le succès est planétaire. Personne ne comprend encore les détails de ce que tu racontes mais les experts sentent que c'est on ne peut plus sérieux.

De ton côté, sachant ton temps compté, tu ne veux pas en rester à un seul succès. Maintenant, ton objectif est de forger des maths permettant un bond technologique sans précédent.

Au bout de deux mois de réflexion, tu te rends compte, fait inattendu, que tes réflexions théoriques sur les pré-structures et effets de miroirs sont un formidable générateur technologique.

Tu déploies alors la forme générale de ta théorie, ton Grand Oeuvre. Il s'agit d'une procédure lente mais purement mécanique qui, en partant d'une vérité banale, t'en donne une version pleinement déployée. Typiquement, les vérités connues depuis des millénaires deviennent alors des vérités qui nous échappaient encore juste avant d'appliquer ta technique. Et ces vérités sont d'une insondable profondeur.

Appliquée en sens inverse, ta méthode permet de trouver le pourquoi profond d'une vérité.

En appliquant ta méthode au boulier, tu obtiens l'ordinateur quantique ; en l'appliquant à la roue, le téléporteur ; en l'appliquant au silex la centrale à fusion nucléaire.

Mais ce Grand Oeuvre est terriblement complexe. En le dictant à temps plein, il te faudrait 50 ans d'enregisterment. Au moment où nous parlons, il ne te reste qu'un mois...