Ici on post des poèmes au hasard :cool:
12 messages
Mise à jour: il y a 6 mois
SpectreAmer
il y a 6 mois
De Temps en Temps
Matsuo Basho
De temps en temps
Les nuages nous reposent
De tant regarder la lune.
SpectreAmer
il y a 6 mois
Le Poème Des Chimères Étranglées CXL
Tristan Derème
C'est dimanche. Réglons les comptes de ce cœur.
Rideaux jaunes et noirs, quel funèbre décor !
Tu n'es plus là. J'ai lu Delille et l'Annuaire
Des Téléphones, pour ne plus songer à tes Sanglots ; mais je voyais tes larmes et restais
Des heures, les yeux clos, trop habile à me nuire,
À remuer ma peine au lieu de l'endormir
Et mâchant ma douleur comme un fruit trop amer.
Tristan Derème, La Verdure Dorée, 1921.
Prolix2Merdasse
il y a 6 mois
Le jugement des juges
Ceux qu'on enferme dans le froid, sous les serrures solennelles,
Ceux qu'on a de bure vêtus, ceux qui s'accrochent aux barreaux,
Ceux qu'on jette la chaîne aux pieds dans les cachots sans soupiraux,
Ceux qui partent les mains liées, refusés à l'aube nouvelle,
Ceux qui tombent dans le matin, tout disloqués à leur poteau,
Ceux qui lancent un dernier cri au moment de quitter leur peau,
Ils seront quelque jour pourtant la Cour de Justice éternelle.
Car avant même de juger le criminel et l'innocent,
Ce sont les juges tout d'abord qu'il faudra bien que l'on rassemble,
Qui sortiront de leurs tombeaux, du fond des siècles, tous ensemble,
Sous leurs galons de militaire ou leur robe couleur de sang,
Les colonels de nos falots, les procureurs dont le dos tremble,
Les évêques qui, face au ciel, ont jugé ce que bon leur semble,
Ils seront à leur tour aussi à la barre du jugement.
Quand la trompette sonnera, ce sera le premier travail !
Mauvais garçons, de cent mille ans vous n'aurez eu tant de besogne !
Pour tuer ou pour dérober vous n'aviez guère de vergogne,
Mais vous avez bien aujourd'hui à soigner un autre bétail :
Regardez dans le petit jour, c'est le chien du berger qui grogne,
Il mord leurs mollets solennels, et le fouet claque à votre poigne.
Rassemblez les juges ici dans l'enceinte du grand foirail.
Pour les juger, je vous le dis, nous aurons sans doute les saints,
Mais les saints ne suffisent pas pour énoncer tant de sentences.
Ceux qu'on a jugés les premiers, autrefois, pendant l'existence,
Comme il est dit au Livre Vrai, ne seront jugés qu'à la fin.
Ils jugeront d'abord le juge, ils pèseront les circonstances.
À leur tour alors d'écouter l'attaque autant que la défense.
Les juges vont enfin passer au tribunal du grand matin.
Les tire-laine dans la nuit, les voleurs crachant leurs poumons,
Les putains des brouillards anglais accostant les passants dans l'ombre,
Les déserteurs qui passaient l'eau happés dans le canot qui sombre,
Les laveurs de chèques truqués, les nègres saouls dans leurs boxons,
Les gamins marchands d'explosifs, les terroristes des jours sombres,
Les tueurs des grandes cités serrés par les mouchards sans nombre,
Avant d'être à nouveau jugés feront la grande Cassation.
On les verra se rassembler, montant vers nous du fond des âges,
Ceux qui, les raquettes aux pieds, parmi les neiges du Grand Nord
Ont frappé au bord des placers leurs compagnons les chercheurs d'or,
Ceux qui, dans la glace et le vent, au comptoir des saloons sauvages
Ont bu dans les verres grossiers l'alcool de grain des hommes forts,
Et qui, négligents de la loi, confondant l'oubli et la mort,
Ont rejeté les vieux espoirs de gagner les tièdes rivages.
Ils s'assiéront auprès de ceux qui ont tiré dans les tranchées,
Et puis qui ont dit non, un jour, fatigués des années d'horreur,
Des soldats tués pour l'exemple et des décimés par erreur,
Et près des durs, des militants de toutes les causes gâchées,
De ceux qui tombent en hiver sous les balles des fusilleurs,
De ceux qu'enferment aux cachots les polices des Empereurs,
Et des jeunesses de partout par leurs chefs en fuite lâchées.
Oui, tous, les soldats, les bandits, on leur fera bonne mesure !
Ne craignez pas, hommes de bien, ils seront jugés eux aussi.
Mais c'est à eux, pour commencer, qu'il convient de parler ici,
Car la parole est tout d'abord à ceux qui courent l'aventure,
Et non à ceux qui pour juger se sont satisfaits d'être assis,
De poser sur leur calme front leur toque noire ou leur képi,
Et de payer d'un peu de sang leur carrière et leur nourriture.
Les adversaires d'autrefois pour ce jour se sont accordés,
Les justes traînés au bûcher sont auprès des mauvais enfants,
Car les juges seront jugés par coupables et innocents.
Au-delà des verrous tirés qui d'entre eux pourra aborder ?
Qui verra ses lacets rendus, sa cravate et ses vêtements !
Socrate juge la cité, Jeanne signe le jugement,
Et à la Cour siègent ce soir la Reine et Charlotte Corday.
Ils passeront, ils répondront, aux tribunaux des derniers jours,
Ceux-là qui avaient tant souci de garder leur hermine blanche.
Et les cellules s'ouvriront, sans besoin de verrou ni clenche.
À la cour du Suprême Appel, ce n'est pas les mêmes toujours,
Ô frères des taules glacées, qui seront du côté du manche.
Les pantins désarticulés attachés au poteau qui penche
Se dresseront pour vous entendre, ô juges qui demeuriez sourds.
Et ceux qui ont passé leurs nuits à remâcher leurs mauvais rêves,
Les pâles joueurs de couteau, les héros morts pour leur combat,
Les filles qui sur le trottoir glissent la drogue dans leur bas,
Ceux-là qui pendant des années ont perdu leur sang et leur sève
Par le juge et par le mouchard, et par Caïphe et par Judas,
Ils verront le grand Condamné, roi des condamnés d'ici-bas,
Ouvrir pour juges et jurés le temps de la grande relève.
Robert Brasillach, Poèmes de Fresnes, 13 janvier 1945
SpectreAmer
il y a 6 mois
Bérénice Titus IV,4
Jean Racine
Depuis huit jours je règne ; et jusques à ce jour,
qu'ai-je fait pour l'honneur ? J'ai tout fait pour l'amour.
D' un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces heureux jours que je faisois attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L' univers a-t-il vu changer ses destinées ?
Sais-je combien le ciel m'a compté de journées ?
Et de ce peu de jours, si longtemps attendus,
ah ! Malheureux, combien j'en ai déjà perdus !
Jean Racine, Bérénice, extrait IV.4, 1670.
SpectreAmer
il y a 6 mois
Es-Tu Brune Ou Blonde ?
Paul Verlaine
Es-tu brune ou blonde ?
Sont-ils noirs ou bleus,
Tes yeux ?
Je n'en sais rien, mais j'aime leur clarté profonde,
Mais j'adore le désordre de tes cheveux.
Es-tu douce ou dure ?
Est-il sensible ou moqueur,
Ton cœur ?
Je n'en sais rien, mais je rends grâce à la nature
D'avoir fait de ton cœur mon maître et mon vainqueur.
Fidèle, infidèle ?
Qu'est-ce que ça fait.
Au fait ?
Puisque, toujours disposé à couronner mon zèle
Ta beauté sert de gage à mon plus cher souhait.
Paul Verlaine, Chansons Pour Elle, 1891.
SpectreAmer
il y a 6 mois
Pourquoi avoir supprimé ton post khey ?
SpectreAmer
il y a 6 mois
Croquis Parisien
Paul Verlaine
La lune plaquait ses teintes de zinc
Par angles obtus.
Des bouts de fumée en forme de cinq
Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus.
Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon.
Moi, j'allais, rêvant du divin Platon
Et de Phidias,
Et de Salamine et de Marathon,
Sous l'oeil clignotant des bleus bec de gaz
Paul Verlaine, Poèmes Saturniens, 1866.
Ubertuto2
il y a 6 mois
Sonnet en X
Stéphane Mallarmé
Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore
Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)
Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,
Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.
sucettelapisse3
il y a 6 mois
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises
II y a l'air il y a le vent
Les montagnes l'eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends
Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler
Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t'en
Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l'œil
Je prends mon bain et je regarde
Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t'aime
Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924.
Digitoxine
il y a 6 mois
Lettre à Juliette Drouet
Mon bras pressait ta taille frêle
Et souple comme le roseau;
Ton sein palpitait comme l'aile
D'un jeune oiseau.
Longtemps muets, nous contemplâmes
Le ciel où s'éteignait le jour.
Que se passait-il dans nos âmes?
Amour! amour!
Comme un ange qui se dévoile,
Tu me regardais dans ma nuit,
Avec ton beau regard d'étoile
Qui m'éblouit.
Victor Hugo, Les Contemplations, 1834.
sucettelapisse3
il y a 6 mois
Lettre à Juliette DrouetMon bras pressait ta taille frêle
Et souple comme le roseau;
Ton sein palpitait comme l'aile
D'un jeune oiseau.Longtemps muets, nous contemplâmes
Le ciel où s'éteignait le jour.
Que se passait-il dans nos âmes?
Amour! amour!Comme un ange qui se dévoile,
Tu me regardais dans ma nuit,
Avec ton beau regard d'étoile
Qui m'éblouit.Victor Hugo, Les Contemplations, 1834.
Joli
Hugo ce génie
SpectreAmer
il y a 6 mois
Travailler Fatigue
Cesare Pavese
Traverser une rue pour s'enfuir de chez soi
seul un enfant le fait, mais cet homme qui erre,
tout le jour, par les rues, ce n'est plus un enfant
et il ne s'enfuit pas de chez lui.
En été, il y a certains après-midi
où les places elles-mêmes sont vides, offertes
au soleil qui est près du déclin, et cet homme qui vient
le long d'une avenue aux arbres inutiles, s'arrête.
Est-ce la peine d'être seul pour être toujours plus seul ?
On a beau y errer, les places et les rues
sont désertes. Il faudrait arrêter une femme,
lui parler, la convaincre de vivre tous les deux.
Autrement, on se parle tout seul. C'est pour ça que parfois
il y a des ivrognes nocturnes qui viennent vous aborder
et vous racontent les projets de toute une existence.
Ce n'est sans doute pas en attendant sur la place déserte
qu'on rencontre quelqu'un, mais si on erre dans les rues,
on s'arrête parfois. S'ils étaient deux,
simplement pour marcher dans les rues, le foyer serait là
où serait cette femme et ça vaudrait la peine.
La place dans la nuit redevient déserte
et cet homme qui passe ne voit pas les maisons
entre les lumières inutiles, il ne lève plus les yeux :
il sent seulement le pavé qu'ont posé d'autres hommes
aux mains dures et calleuses comme les siennes.
Ce n'est pas juste de rester sur la place déserte.
Il y a certainement dans la rue une femme
qui, si on l'en priait, donnerait volontiers un foyer.
Cesare Pavese, Travailler fatigue La Mort viendra et elle aura tes yeux Poésies variées, 1836.
SpectreAmer
il y a 6 mois