Journal de Rachel Yoder

Écrit à la lumière d'une lampe à huile, le 10 avril 1946

Cher journal,

Aujourd'hui, il a plu toute la journée. La pluie a tambouriné doucement sur le toit de notre ferme, un son que j'aime beaucoup. Cela me rappelle que Dieu veille sur nous, arrosant la terre pour qu'elle porte ses fruits. J'ai passé l'après-midi avec Maman à coudre une nouvelle robe. Elle dit que je grandis trop vite et que mes anciennes robes sont toutes trop courtes. Elle m'a laissé choisir le tissu cette fois : un bleu doux, comme le ciel après une tempête.

Pendant que je cousais, Maman m'a raconté des histoires de son enfance, quand elle aussi vivait dans cette ferme. Elle dit que Grand-Mère avait les mains toujours pleines de farine à cause du pain qu'elle faisait chaque jour, et que Grand-Père passait des heures à lire la Bible au coin du feu. J'aurais aimé les connaître.

Cher journal,

Je me demande parfois ce que ça fait de vivre « dehors », loin des champs, des chevaux et des buggys. Jacob, mon frère aîné, dit que les Anglais vivent différemment, avec des voitures qui roulent vite et des machines qui font tout le travail. Mais ils ont aussi des distractions qui les éloignent de Dieu, dit-il. Je crois qu'il a raison, mais... je suis curieuse, quand même.

Parfois, je regarde le train passer au loin et j'imagine ce que ce serait de monter dedans, de voir des villes avec des lumières partout et des magasins remplis de choses étranges. Puis, je me sens coupable. Est-ce que c'est mal de penser à ces choses ?

Cher journal,

Ce soir, après le souper, Papa a lu le Psaume 23. J'aime quand il lit la Bible. Sa voix est calme et profonde, comme le vent dans les arbres. Quand il est arrivé au verset « L'Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien », j'ai senti quelque chose d'étrange dans mon cœur. Une paix. Je sais que je n'ai pas besoin de voir le monde des Anglais. Tout ce dont j'ai besoin est ici : ma famille, notre ferme, notre communauté... et Dieu.

Après, je suis sortie pour ramasser des œufs dans le poulailler. Le ciel était clair, et les étoiles brillaient comme des diamants. J'ai prié, les mains pleines de paille et d'œufs chauds, et j'ai remercié Dieu pour tout. Pour la pluie. Pour le bleu de ma nouvelle robe. Pour Maman et Papa. Pour la paix.

Cher journal,

Peut-être que je n'aurai jamais une vie comme celle des Anglais, mais je crois que je n'en ai pas besoin. Je suis Rachel Yoder, fille de l'Éternel, et cela suffit.

Bonne nuit, cher journal.

Rachel 🌾