Ce matin, la détermination gravée sur le front, je sors de chez moi vers 8h , prêt à affronter une journée comme les autres, mais surtout, prêt à prendre mon train pour Mantes-la-Jolie. Direction Montparnasse, attente de mon TER pour Chartres, petite escale à Versailles, et enfin, la destination finale. Comme à mon habitude, une fois arrivé à Montparnasse, je me pose dans un coin, sort ma Switch, et me laisse happer par mon jeu, histoire de rentabiliser ce temps d'attente interminable. Mais c'était sans compter sur l'énergumène du jour

Une femme, d'une cinquantaine d'années, cheveux violets, l'air faussement bienveillant, s'approche de moi avec un sourire aussi forcé que cringe. Derriere elle, un gamin d'environ huit ans, le regard avide fixé sur mon écran. Moi, concentré sur mon jeu, je ne capte pas tout de suite l'approche perfide de l'ennemi. C'est lorsque je sens une présence bien trop proche et que je capte son regard insistant que je comprends qu'il y a embrouille.

"Bonjour jeune homme, mon fils aimerait bien jouer avec toi sur la Switch, tu pourrais partager un peu, ce serait sympa !"

J'affiche instantanément un écran bleu mental. Attends, quoi ? Partager ma Switch ? Avec un gosse random? Les circuits de mon cerveau tentent de reconnecter entre eux les éléments absurdes de la situation. Je prends une inspiration, et avec un sourire crispé, je lui réponds :

"Euh, non, désolé, mais je préfère jouer seul."

Là, je vois une ombre passer sur son visage. Elle pensait que j'allais céder aussi facilement ? Elle insiste.

"Oh, allez, ce serait gentil, il n'a pas souvent l'occasion de jouer avec quelqu'un... Et puis, c'est une console portable, c'est fait pour être partagé, non ?"

Je décèle dans son ton cette autorité passive-agressive typique de ceux qui pensent que leur simple statut d'adulte leur donne tous les droits. Le gosse, lui, commence à se dandiner sur place, visiblement agacé que je ne lui tende pas immédiatement un Joy-Con. La pression sociale commence à monter, mais pas question que je cède.

"Désolé, mais non, j'ai pas envie de jouer avec quelqu'un."

Le masque de sympathie de la boomeuse tombe net. Son visage se tord en une expression outrée, et elle balance un soupir exagéré.

"Franchement, c'est pas très gentil de ta part, t'es vraiment égoïste ! T'es jeune, t'as pas encore d'enfant, tu peux pas comprendre !"

Ah, le coup classique du "t'es qu'un sale jeune insensible , petit con , des choses comme ça". Un sourire en coin se dessine sur mon visage. Je suis prêt à contre-attaquer. La boomeuse bugge une seconde vu les regards des passagers, puis attrape la main de son gosse en marmonnant des trucs incompréhensibles sur "les jeunes d'aujourd'hui"...