Je suis l'archétype

OP
J2

jeanmonnaie27

il y a 6 mois

Je suis l'archétype du déchet, du noctambule déstructuré. Je n'existe que la nuit. Le jour, je suis invisible, effacé par la lumière qui plonge ma tanière dans l'obscurité. Puis, lorsque la véritable obscurité, celle de la nuit, reprend ses droits, je sors des ténèbres, souvent vêtu seulement d'un slip.

Mes nuits sont actives, ou plutôt, diurnes. Je tente de lire, posant mes yeux blancs, tels des balles de ping-pong, sur des textes difficiles, écrits par des philosophes grecs ou des idéalistes allemands. Je m'engage dans des projets imaginaires qui n'aboutissent jamais. Dans ma tête, je suis grand, beau, fort. Je mène des guerres épiques.

Je passe mes nuits à marteler mon clavier, pris de convulsions, vêtu de mon slip noir. Mais il y a aussi des nuits moins nobles, où je plonge dans l'abondante production pornographique du web : femmes charnues, bouches humides, pénis démesurés. Repu, je m'informe. Les yeux rivés sur mon écran, je clique sur les liens les plus sinistres, observant le flot incessant de sang. Je m'assomme d'articles sur le racisme, Soral, l'immigration, le terrorisme, l'extrême pauvreté, l'Europe en déclin.

Le jour, je pourrais tout aussi bien être lepéniste que marxiste. Mais la nuit, je ne vote pas. Je rumine. Mon écran me retransmet les émeutes, les agressions dans nos rues ou les massacres dans des contrées lointaines. Un ministre apparaît ; je me dresse, pointant un doigt accusateur, visant à la fois personne et tout le monde.

Mais je reste vigilant, voûté sur la rambarde de mon balcon, hibou maussade sur sa branche noire, scrutant la nuit. J'écoute, mais il n'y a rien à écouter. Je suis une sentinelle vide, gardien d'un monde qui a déjà disparu.

Je souffre de l'impossibilité de déchirer cet envahissant, cet inévitable et anonyme bruissement de l'existence. Je souffre de ne jamais pouvoir m'absenter.

L'histoire que je vais vous raconter pourrait bien briser vos cœurs. Moi, je ne savais pas qu'on pouvait ressentir de la peine pour soi-même, comme si l'on se regardait en étranger, avec un point de vue extérieur.

L'an dernier, par un coup de chance insolente, j'ai eu une relation. Elle est venue chez moi. Pendant qu'elle dormait, je ne pouvais plus jouer de mon clavier Yamaha, ni hurler contre le sionisme, Macron ou Michel Sapin. Alors je m'installais dans la cuisine, sur mon tabouret, pendant de longues heures. Mes lèvres bougeaient ; je chuchotais ma colère, ressassant les moindres accrocs de ma nouvelle vie de couple, tandis que ma moitié les oubliait.

J'ai contenu ma démence quelques semaines, puis un matin, au réveil, ma douce m'a trouvé avec l'œil hagard et le slip noir, l'écume aux lèvres, débobinant mon inexplicable haine... Mais elle n'a pas vu la tristesse dans mon regard, et elle est partie. Je me suis retrouvé seul, encore une fois, et je n'ai plus jamais retrouvé l'amour.

Un ami m'a dit un jour : "Tu te crois seul, mais on n'est jamais seul." Aujourd'hui, je suis lucide : j'ai abandonné tout espoir. Je n'ai même plus cette coquetterie absurde d'éteindre la lumière quand je dors.

Je suis comme une méduse : je n'ai aucun sens, aucune chorégraphie. Mon existence est nue, réduite à la pure angoisse d'exister. La nuit, il n'y a plus de temps, plus de rites ; l'animal social se retrouve sans société. L'enfer pour moi, c'est l'absence des autres.

Et cette nuit encore, sur les coups de 6h30 du matin, je vais dîner. Je vais couper des oignons, cuire des médaillons de veau et des lentilles. Je vais manger, oui, mais ce ne sera pas un repas. Je vais mastiquer debout à côté de la table ou assis au bord de mon lit, puis je fermerai les yeux pour quelques heures, sous mon soleil artificiel. Quand je sortirai de ce mini coma, je changerai peut-être de slip, mais j'aurais du mal à dire que c'est un nouveau jour.

R1

Rothirsch1

il y a 6 mois

Je préfère bien tes interventions sur le chantier autonome, si tu es le vrai jeanmonnaie, au lieu de ces pleurnicheries sans fond, braillardes à souhait, mais combien inutiles, oui l'existence est banalement idiote, un peu sotte, mais voilà, on est là, et il faut bien vivre https://image.noelshack.com/fichiers/2021/52/2/1640725137-chatbhbbhbh.jpg

OP
J2

jeanmonnaie27

il y a 6 mois


Je préfère bien tes interventions sur le chantier autonome, si tu es le vrai jeanmonnaie, au lieu de ces pleurnicheries sans fond, braillardes à souhait, mais combien inutiles, oui l'existence est banalement idiote, un peu sotte, mais voilà, on est là, et il faut bien vivre https://image.noelshack.com/fichiers/2021/52/2/1640725137-chatbhbbhbh.jpg

J'ai trouvé le texte de ce khey bien écrit, même si c'est à la mode et sans doute un peu facile de faire du Houellebecq. Lars von Trier reprochait au film Dancer in the Dark, où Björk jouait une femme qui perdait la vue, que c'était trop facile de faire pleurer. Donc, dans un certain sens, je ne peux te donner tort. La pleurniche est ce qu'il y a de plus facile à faire.

R1

Rothirsch1

il y a 6 mois

J'ai trouvé le texte de ce khey bien écrit, même si c'est à la mode et sans doute un peu facile de faire du Houellebecq. Lars von Trier reprochait au film Dancer in the Dark, où Björk jouait une femme qui perdait la vue, que c'était trop facile de faire pleurer. Donc, dans un certain sens, je ne peux te donner tort. La pleurniche est ce qu'il y a de plus facile à faire.

Tenir la vie sans mépris, bien en main, le regard dans le sien, vivre de conquêtes et d'aventures, sans regret, loin des siens, ou main sur un sein, veuve ou orphelin, marié ou capucin, voilà, faut vivre, quoi, et sans trop chialer, paraît que ça irrite les oreilles du bon Dieu https://image.noelshack.com/fichiers/2021/52/2/1640725137-chatbhbbhbh.jpg