Mangeur éclata de rire, un rire qui résonna comme un fracas dans la nuit des âmes. Il regarda Roi Léopard, drapé dans sa complainte, noyé dans l'amertume du vaincu qui n'a jamais combattu.

Mangeur : Ô Léopard, toi qui te veux prophète du malheur, ne vois-tu pas que c'est ton propre reflet qui te terrifie ? Tu parles du mal qui régnerait en maître, du Diable caché derrière le nom de Jésus, mais n'est-ce pas toi qui lui donnes tout son pouvoir ? Car c'est le faible qui invente un maître pour expliquer sa faiblesse, et c'est l'esclave qui imagine un tyran pour justifier ses chaînes.

Roi Léopard : Mais l'Occident est gouverné par l'apparence, par l'hypocrisie ! Jésus est un masque pour dissimuler le règne du mal !

Mangeur : Et alors ? Quel est cet homme qui tremble devant un masque ? Crois-tu que la force se soucie de l'hypocrisie des prêtres ? Crois-tu que le lion maudit l'ombre du chacal ? Le pouvoir est pris, non pleuré. Toi, tu parles de vérités cachées, mais tu n'as que des larmes et des images pour pleurer ton propre désespoir.

Roi Léopard : Jésus était philosophe ! Il combattait les sophistes et les faux sages !

Mangeur : Jésus philosophe ? Ah ! Comme tu es prompt à le diviniser et à l'enchaîner dans ta propre illusion ! Il fut un danseur sur l'abîme, un téméraire, oui - mais toi, que fais-tu ? Tu ne marches pas, tu gémis. Tu le vois déjà crucifié, car tu as besoin d'un martyr pour justifier ton impuissance !

Roi Léopard : Mais l'Europe le condamnerait à nouveau ! Les sophistes le lapideraient !

Mangeur : Bien sûr ! Car tout grand esprit attire les pierres des petits ! Mais lui n'aurait pas attendu la croix pour agir. Il n'aurait pas pleuré sur l'injustice du monde, il l'aurait incendié d'un rire éclatant !

Écoute-moi, ô Léopard, dernier des moralistes ! Tu crois au combat du bien et du mal, mais tu n'es qu'un enfant qui se cache derrière des ombres. Regarde autour de toi : il n'y a ni Dieu ni Diable, ni mal qui triomphe ni bien écrasé - il n'y a que la Volonté, et elle danse au sommet de ceux qui osent.

Lève-toi donc ! Brise ton propre miroir ! Car ce n'est pas l'Occident qui est tombé sous le règne du diable, c'est toi qui es tombé sous le règne de ta propre peur.

Et Mangeur partit en riant, tandis que Roi Léopard restait là, seul avec ses chaînes qu'il prenait pour des vérités.