Ces derniers mois, je me suis beaucoup interrogée sur la responsabilité des entreprises dans le mal-être qui se manifeste en France, notamment par un vote record en faveur de l'extrême droite.
Certaines entreprises œuvrent activement dans ce sens : nous le savions depuis longtemps pour Bolloré, nous avons découvert l'existence du réseau Atlas, avec ses nombreux think tanks et instituts de formation dédiés à la diffusion des idées libertariennes et ultra-conservatrices, et plus récemment, le projet secret de Pierre-Édouard Stérin, Périclès, a été révélé.
Il existe donc une frange du monde économique qui agit délibérément contre des causes telles que l'action climatique, la promotion des droits des femmes et des minorités, la justice fiscale ou encore le renforcement des services publics.
Cependant, ce n'est pas le seul lien entre la montée de l'extrême droite et le monde de l'entreprise. Une grande partie des électeurs sont aussi des salariés, et l'impuissance, les frustrations, ainsi que la précarité générées par leurs conditions de travail s'expriment dans les urnes. Dans l'ouvrage publié par le CNRS, Que sait-on du travail ?, une soixantaine de chercheurs, sociologues et économistes ont documenté combien, en France, pour une grande majorité de salariés, les conditions de travail sont mauvaises. Le travail s'est intensifié, les accidents du travail sont plus nombreux, et les risques psychosociaux se sont aggravés ces dernières années.
Pour reprendre les termes de Bruno Palier dans une tribune récente : “En se présentant comme le parti de ceux qui travaillent dur, en les opposant aux élites qui les négligent et les méprisent, le RN capte ce vote de ressentiment. De plus en plus de travaux en sciences politiques soulignent le lien entre insatisfaction au travail, dégradation des conditions de travail, management vertical, perte de sens et vote pour les droites radicales extrêmes en Europe.”
Penser que notre économie puisse prospérer dans un tel contexte de mal-travail relève d'une vision très micro et court-termiste. De même, fermer les yeux sur le fait que le développement de certaines entreprises se fait au détriment de notre environnement, c'est scier la branche sur laquelle nous sommes assis.

Qui va lire ça sérieusement ?