Le livre de Romain Thévenot, consacré à la défense de Nahel Merzouk, adolescent tué par un policier en juin 2023 à Nanterre, connaît un fiasco commercial inattendu. Avec seulement 67 exemplaires vendus, cet ouvrage, qui ambitionnait de porter un regard critique sur l'affaire et ses répercussions, n'a pas su trouver son public, malgré une campagne de promotion ambitieuse sur des médias de premier plan comme France 5, France Inter et BFMTV. Ce faible engouement interroge autant sur l'appétence du public pour ce type de sujet que sur les dynamiques médiatiques et sociales qui entourent cette tragédie.

L'affaire Nahel Merzouk, qui avait déclenché des émeutes massives en France et ravivé les débats sur les violences policières, semblait pourtant un terreau fertile pour un essai engagé. Romain Thévenot, présenté comme un observateur sensible aux injustices sociales, a cherché à offrir une perspective nouvelle, défendant la mémoire de Nahel tout en critiquant ce qu'il perçoit comme une institution policière défaillante. Dans son livre, il revient sur les circonstances du drame, les versions contradictoires entre la police et les témoins, et les suites judiciaires, marquées par la requête d'un procès pour meurtre contre le policier auteur du tir en mars 2025.

Pourtant, malgré ce sujet brûlant, le livre n'a pas réussi à capter l'attention. Les passages de l'auteur dans des émissions prestigieuses comme C l'hebdo sur France 5, où la mère de Nahel, Mounia Merzouk, s'était exprimée en mars 2025, ou sur France Inter, n'ont pas suffi à susciter l'intérêt. Même BFMTV, avec sa couverture continue de l'affaire, n'a pas réussi à transformer cette visibilité médiatique en ventes. À peine 67 lecteurs ont acquis l'ouvrage, un chiffre dérisoire au regard des ambitions affichées et du bruit médiatique entourant l'affaire.

Comment expliquer cet échec ? Plusieurs hypothèses émergent. D'abord, la lassitude du public face à une affaire qui, bien que marquante, a été largement débattue depuis deux ans. Les émeutes de 2023, les polémiques autour des cagnottes pour le policier et la famille de Nahel, ou encore les prises de position politiques ont peut-être saturé l'espace médiatique, laissant peu de place à une nouvelle voix, même bien intentionnée. Ensuite, le positionnement de Romain Thévenot, perçu comme un parti pris militant, a pu rebuter un lectorat cherchant une analyse plus nuancée ou moins engagée.

Le choix éditorial pourrait aussi être en cause. Si le livre se voulait un plaidoyer pour Nahel, il n'a peut-être pas su se démarquer dans un marché déjà encombré de publications sur les violences policières et les injustices sociales. Là où des documentaires ou des témoignages directs, comme celui de Mounia Merzouk sur France 5, ont ému par leur authenticité, l'approche de Thévenot, plus théorique ou analytique, a pu manquer d'émotion ou de connexion avec le vécu des concernés.

Cet échec commercial soulève enfin une question plus large : le public français est-il prêt à s'investir dans des récits qui rouvrent des plaies encore vives ? À l'heure où le procès du policier est en suspens, l'indifférence face au livre de Thévenot contraste avec l'émotion brute exprimée par la mère de Nahel, qui déclarait sur France 5 : « Je n'arrive pas à faire mon deuil. » Peut-être que, pour beaucoup, cette douleur reste trop personnelle ou trop politisée pour être accueillie sous forme littéraire.

Avec seulement 67 exemplaires écoulés, le livre de Romain Thévenot restera sans doute un symbole paradoxal : celui d'un cri dans le désert médiatique, porté par une cause forte mais incapable de résonner au-delà des plateaux télévisés. Un échec qui, loin de remettre en cause la légitimité du combat pour Nahel, interroge notre rapport collectif à la mémoire et à la justice.

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