Les kheys, nofake, putain, il vient de m'arriver un truc de fou

Enfin, quand je dis "il vient", c'était hier, je rentrais de chez ma meuf qui habite Saint-Etienne et je devais rentrer sur Lyon après avoir passé le weekend avec elle

Sauf que j'ai claqué trop de thunes le samedi soir en allant dans une obscure boite de nuit avec elle et que j'avais plus rien du tout pour prendre le train ou un Blablacar

Je sais, je suis complètement irresponsable, mais bon, à 25 ans, on ne se refait pas

Du coup, j'ai décidé de faire du stop pour rentrer, et je me suis mis au niveau du péage de l'autoroute de Lyon avec ma petite pancarte et mon plus beau sourire

5 minutes à peine après que j'avais commencé à lever le pouce, une voiture s'arrête, c'est un mec, la quarantaine, l'air sympa, avec ses deux enfants (les deux avaient moins de 10 ans)

Et il me propose de m'emmener

Je monte dans la caisse, je le remercie comme jamais, en lui expliquant que sans lui j'étais dans la merde, et que j'aurais pas pu rentrer à Lyon et on commence à discuter

Ce qu'il faut que vous sachiez, c'est que je suis d'origine arabe (enfin, je suis né en Algérie et je suis venu très tôt en France) mais que ça ne se voit pas réellement sur mon visage (étant Kabyle)

Le mec se présente, je vais pas donner son nom ici, puis me demande le mien

Je lui donne mon prénom, et là, je vois bien qu'il tique complètement, et qu'il change totalement d'attitude

Il me demande d'où je viens, je lui réponds, et lui fait juste un "Ah putain"

J'ai même pas eu le temps de lui dire quoi que ce soit avant qu'il commence à me dire que s'il avait su, il m'aurait pas pris en STOP, qu'il n'a pas à s'excuser mais qu'il n'aime pas les maghrébins, qu'il a eu de mauvaises expériences avec, qu'on avait trop tendance à être des voleurs, que c'est pas contre moi, mais que malgré tout, il y en a trop en France, que les attentats récents c'est pas des suédois qui les ont commis, et que bon, on est en France et qu'il a envie que ça reste la France

Y a même ses gamins derrière qui lançaient pendant ce monologue d'une bonne vingtaine de minutes des :

"Ouais, c'est bien vrai ça"

"Dis lui, Papa"

Les gars, je déconne pas, j'étais vraiment en sueur

Et je me suis mis à pleurer

Je déconne vraiment pas, j'ai rien dit pendant un moment, et juste des larmes coulaient sur mes joues, et je continuais à regarder la route défiler droit devant moi

Il m'a regardé, et il m'a demandé d'une voix ultra sèche "Pourquoi tu chiales ? Ca va c'est pas contre toi"

Et là, j'ai pas pu m'en empêcher, je lui ai dit tout ce que j'avais sur le coeur les kheys, absolument tout

Que j'étais arrivé tout petit ici en France, dans un pays dont je ne connaissais absolument pas la langue ni la culture, mais que malgré tout je m'étais battu. Que j'avais tout fait pour m'intégrer dans ce pays, que j'avais appris le Français et aimé la culture française comme personne d'autre. Que j'ai vraiment de l'amour pour la France, que je ne me voyais pas sans elle. Qu'ici, je me sentais enfin moi, bien plus que quand je ne retourne en Algérie. Que je ne me considère pas comme arabe avant d'être français, mais comme Français. Que je n'ai jamais rien volé, ni fait de mal, et que chez les Romains, je me suis toujours comporté comme les Romains. Que ça me faisait toujours mal d'entendre des choses comme ça alors que vraiment, je me donne corps et âme pour le même drapeau que lui sans distinction

Il a rien dit pendant un bon moment, et a continué à rouler avec un silence de mosquée dans la voiture

Puis il a ouvert la bouche et m'a juste dit : "Je suis vraiment désolé, j'aurais pas du te juger comme ça, fais comme si je n'avais rien dit"

J'ai halluciné, mais c'est là que je me suis dit qu'en fait, on pouvait échanger avec des gens qui n'avaient pas les mêmes opinions que nous sans qu'il n'y ait de problèmes

On est arrivés à Lyon, il m'a déposé à côté de la gare Perrache, et m'a serré la main en me félicitant d'être la personne que j'étais, et qu'il aurait aimé rencontrer plus de maghrébins comme moi

Je l'ai remercié de m'avoir fait confiance et de m'avoir pris en stop, et je me suis barré les larmes aux yeux, les mains dans les poches

Dans mes poches pleines

Dans mes poches dans lesquelles j'avais mis son Samsung Galaxy S8 et son portefeuille qu'il avait laissés trainer à côté du levier de vitesse

Bordel de merde, il y avait 50 balles dans le portefeuille

Ca lui fera une bonne raison de voter FN la prochaine fois

Bordel, les kheys, j'ai fait du STOP, et je suis tombé sur un énorme RACISTE, mais j'ai un nouveau TELEPHONE