L'imaginaire collectif conserve fréquemment l'image d'un Maurice héroïsé, élevé au rang de martyr face au tyran Phocas. Et pourtant, une nuance s'impose : Maurice porte en effet l'entière responsabilité de son sort et, avec lui, de la déchéance de l'empire Romain d'orient.

Ce serait également oublier que Maurice était très impopulaire, en particulier durant la seconde partie de son règne. Et qu'il n'était pas, lui non plus, blanc de péché (certaines sources l'accusent d'avoir fait empoisonner Tibère II, son prédécesseur). Ce n'est que sous Héraclius que naît réellement la légende d'un Maurice juste, sage et vertueux, et injustement renversé. La réévaluation de l'image de Maurice ne sert en effet qu'à justifier sa révolte contre Phocas, à partir de 608.

Lors de ses nombreuses campagnes sur le Danube contre les Avars et les Sclavènes, Maurice avait économisé sur les salaires des soldats, refusant de leur accorder la moindre augmentation, et avait refusé de racheter les captifs romains aux Avars, si bien que sa relation avec l'armée était déjà tendue. Maurice désirait une armée à la fois peu coûteuse et loyale, mais celle-ci était trop vaste et manquait de fidélité : il semblait avoir oublié que, depuis l'époque des Sévères, l'empereur devait son trône aux soldes versées à l'armée. Ces mutineries n'étaient pas sans précédent, puisqu'elles s'étaient déjà produites par deux fois sous le règne même de Maurice. Mais celui-ci, s'obstinant à refuser d'entendre les doléances de ses armées, devait bientôt le payer de sa vie lors de la troisième occurrence.

De plus, il avait mécontenté la population par ses politiques économiques, si bien qu'il n'était pas populaire non plus au sein du peuple : n'oublions pas que Constantinople se rallia rapidement à l'usurpation de Phocas. Bref, au moment où il ordonne à son armée d'hiverner au nord du Danube, peu avant le moment fatidique, son impopularité avait atteint des sommets.