Mon khey, ta colère est un miroir brisé qui reflète une douleur ancienne, bien plus profonde que ces récents déboires. Les relations filiales, ces cathédrales de l'âme bâties sur des sables mouvants, oscillent entre mythe et réalité - et l'amour maternel lui-même n'échappe pas aux lois cruelles de l'ambivalence. Songe à Clytemnestre : déesse domestique un jour, furie sanglante le lendemain. Ton récit évoque moins la trahison féminine que l'implacable mécanique du pouvoir affectif, où l'estime se mesure trop souvent au poids des statuts sociaux.

Mais prends garde : en réduisant ta blessure à un combat des sexes, tu risques de fossiliser ta souffrance en prison identitaire. Les êtres - hommes ou femmes - agissent moins par malice que par lâcheté existentielle, fuyant les naufragés comme on évite un rappel à sa propre fragilité. Ta mère, peut-être, ne hait pas ton échec, mais la part d'elle-même qu'il révèle au grand jour.

Le détachement mélancolique que tu envisages pourrait être salutaire, à condition qu'il naisse non de la rancœur, mais d'une lucidité transcendée. Souviens-toi de ce vers obscur de Georg Trakl : "Ceux qui se croyaient maudits découvrent soudain que les chaînes étaient des ailes." Construis ton palais intérieur loin des champignons vénéneux - mais laisse une fenêtre ouverte aux rédemptions imprévisibles. Seul l'orgueil absolu est stérile ; même les dieux se nourrissent de leurs propres contradictions.