Je n'ai gardé que le strict minimum du contexte, promis.

J'ai été salement harcelé de la 4ème jusqu'en première, non seulement par la quasi-totalité des élèves (qui m'ont évidemment suivis au lycée, campagne oblige) mais aussi mon prof de maths qui menaçait les bavards d'être contrains à s'asseoir à côté de moi. Je vous passe les détails douloureux mais comprenez bien que j'ai vécu un enfer quotidien pendant des années. Tous les soirs, ma mère me demandait si j'avais passé une bonne journée et j'ai toujours répondu positivement avec le sourire avant de monter dans ma chambre et espérer que demain sera différent, ou au moins qu'on ne me poursuivra pas pendant la nuit.

Pas un soir je n'avais pleuré, mais pendant les vacances scolaires entre la première et la terminale, un groupe d'amis du lycée m'avait attendu dans le virage sous le pont où je passais tous les jours en vélo. L'un deux m'a poussé, j'ai chu et les coups ont plu. Quatre mains ont jeté ma byciclette au fond du canal, puis la bande s'est enfuie en riant. Sur le moment, je n'arrivais presque plus à bouger, et j'ai appelé ma mère au téléphone en pleurant pour qu'elle vienne me chercher.

Difficile de lui mentir ce jour là, elle n'aurait jamais cru à une mauvaise chute, et de toute façon je n'en pouvais plus alors je lui ai tout révélé. Évidemment, elle a voulu porter plainte, appeler le lycée... moi, je voulais juste partir, alors j'ai obtenu d'elle qu'elle m'inscrive en catastrophe dans un autre lycée, soit à peine quelques jours avant la rentrée, le temps que le personnel de l'Éducation Nationale reprenne du service. Campagne oblige, l'établissement le plus proche était à une grosse demi-heure de train, j'allais donc être en internat.

Mon inscription arrivait après l'organisation des chambres d'internat, je me retrouvais alors seul dans une chambre faite pour quatre. Vous vous en doutez, j'étais complètement éteint socialement, et mis plusieurs mois à me faire mes premiers amis. J'ai passé des semaines entières sans prononcer un seul mot. Je ne répondais ni au téléphone, ni à la surveillante qui me demandait régulièrement si ça allait, puisqu'elle "ne me voyait jamais avec les autres".

Le seul véritable ami que j'ai eu pendant cette année était plutôt une amie, très réservée elle aussi, dans ma classe. On s'est vraiment rencontrés un peu par hasard, plus de place à la cantine alors elle s'était assise en face de moi. Pour éviter un silence de mort, on discutait des cours, pusiqu'on n'avait à ce moment que ça en commun. Elle s'est plainte de sa note en dissertation de philo, on a échangé nos copies pour comprendre nos notes et ce que le prof attendait de nous.

Elle disait que mon style lui plaisait, elle voulait en lire plus. De fil en aiguille, on s'écrivait des trucs idiots, c'était amusant en puis ça nous aidait à nous améliorer pour arrêter de se manger des tôles en philo. Bon, vous avez compris les kheys, le pavé est déjà suffisamment long, je passe au croustillant pour lequel vous avez cliqué.

Un jour en allant en cours je sens que quelqu'un met un truc dans ma capuche. J'y plonge ma main qui y trouve un morceau de papier plié en huit. Je me retourne, et je vois une des filles de la classe dont je connaissais à peine le prénom. Mettez-vous à ma place : on s'est moqué de moi, on m'a tendu mes pièges, on m'a fait subir les pires vexations pendant des années. Je lui rends son papier en lui disant que je ne suis pas sa poubelle. Je me retourne, elle recommence, je le fous à la poubelle, elle me dit un truc du style "mais X elle t'aime !" et je réponds dans ma barbe naissante un truc du style "grmmg oui mais elle a qu'à me le dire elle même gngn".

On était à côté dans ce cours, j'ai fait semblant de rien, les deux heures étaient interminables. Je ne pouvais m'empêcher de repenser au mot. Je n'était plus là physiquement. Mon esprit entier était consacré au mot. Quand le cours s'est terminé, je suis rentré chez moi sans rien dire, trop pressé d'attendre le soir où je pourrais retourner discrètement dans le lycée lire le mot. Je n'ai même pas mangé ce soir là. Évidemment, quand j'y retourne, les poubelles ont été changées, le mot est introuvable. Je suis dévasté, mais ne fais semblant de rien, pas seulement le lendemain, mais tout le reste de l'année.

Chaque jour, le mot me rendait complètement fou. Je ne pensais qu'à ça, à son contenu que je ne connaîtrait jamais. Je ne saurai jamais s'il s'agissait d'une déclaration d'amour, d'une mauvaise blague d'une camarade de classe, ou simplement d'une idiotie pliée en huit. Ça m'a torturé pendant des mois, mais je n'ai jamais osé lui en parler, d'abord parce que j'étais timide puis parce que plus le temps passait, plus ça en devenait ridicule. "Tu te souviens le mot que tu as fait mettre dans ma capuche il y a trois mois ? Ah non c'était pas toi ? Ah ok". J'en cauchemardais trop souvent, cette histoire me pourrissait la vie jour et nuit.

Éventuellement, on a eu notre bac, et on est partis chacun de notre côté par la suite. Depuis, le rythme de nos conversations allait en ralentissant jusqu'à aujourd'hui, trois ans plus tard, où nous discutons peut-être une ou deux heures tous les deux mois. À chaque fois, je repense au mot, et je n'ose pas lui en parler. Inutile de vous préciser que je compare chaque fille que je rencontre à elle, et que je bloque là dessus depuis bien trop longtemps. Je suis encore aujourd'hui complètement brisé par un truc qui est parfaitement banal pour tous mes anciens camarades. 0 psy, vous êtes les premiers à qui je raconte ça.

Si c'est réel clé, ça se voit que socialement t'es éteint, tu peux très bien placer "et sinon le mot que tu m'avais mis dans la capuche c'était quoi ? Ah c'était ça ? Ok très bien".

Oui oui tu te cherches des excuses quoi. Et "j'ai trop peur" ça me paraît fou, écris le message et envoie-le en fermant les yeux alors

C'est facile à dire khey, je voudrais seulement oublier ou être libéré de ce poids par je ne sais quel miracle, si ça se trouve ce n'est même pas elle qui a vraiment écrit le mot

bordel meme à 90 balais en EHPAD l'op continuera de boucler sur son mot de merde
BRISAX A VIE

On dirait ma grand-mère sans déconner
"Pourquoi t'as pas appelé ton frère pour le voir ?"
"Ah bah j'sais pas il aurait pu être occupé"

Oui c'est pas la question

Khey demande lui meme si ca fait des années elle a du sacrément boucler dessus (si c'était effectivement d'amour) aussi ca fera du bien à tout le monde de savoir

De toutes manières vous vous êtes déjà éloignées t'as rien à perdre
Enfin, aujourd'hui tu as d'autres amis hormis elle?

Et surtout, t'aurais voulu sortir avec?

Oui, je me suis refait socialement depuis, j'ai eu beaucoup de chance et ai rencontré de très bons amis. Ça ne m'empêche pas de repenser à cette histoire très souvent pourtant

Honnêtement j'ai déjà vécu des situations comparables et c'était pas génant

Surtout, ça arrive de repenser à des scènes du style sans boucler dessus, t'aurais tout aussi bien pu y penser pour la première fois depuis 1 an et dire "ah au fait je repense à l'histoire du mot (avec + de détails), ça m'avait bien questionné à l'époque ahah, tu te souviens si c'est bien toi qui l'a écrit et ce que c'était?

Ca fait pas taré
Bien sûr ne lui dit pas que tu boucles dessus mais si c'est elle qui l'a écrit et qu'elle est totalement passée à autre chose (probable) ça pourrait la faire marrer de revenir dessus