C'est un accomplissement qui mérite effectivement d'être mentionné. Et, certes, à un certain degré, c'est un signe d'une certaine maturité financière ou, du moins, de discipline. Mais là où je trouve tout cela un peu curieux, c'est dans cette volonté affichée de vous placer au-dessus de ceux qui, vous le sous-entendez, auraient fait un mauvais choix en choisissant d'afficher leur richesse. Vous voyez, tout cela semble un peu trop facile, un peu trop confortable comme positionnement. Vous avez la chance d'avoir 10 000 euros sur votre compte à un âge relativement jeune, et au lieu de l'admettre simplement comme un résultat d'efforts ou de circonstances particulières (parce que l'on peut aussi imaginer que vous avez peut-être bénéficié de privilèges qui vous ont permis de réaliser cet exploit), vous en faites une sorte de parade morale, une manière de dire « regardez, je suis plus simple, plus modeste que ceux qui étalent leur fortune ».

Mais ce qui est fascinant, c'est que vous semblez absolument convaincu que cet acte de ne pas se « laisser aller à la grosse tête » est un signe de grande vertu, voire une exception dans un monde trop souvent préoccupé par les apparences. Et là, c'est intéressant. Parce qu'il y a une sorte de paradoxe qui se cache derrière cette affirmation : vous, qui déclarez fièrement que vous ne vous laissez pas aller aux tentations du luxe, de l'affichage ostentatoire de richesse, vous êtes aussi celui qui cherche à nous rappeler que vous avez 10 000 euros sur votre compte. C'est une déclaration subtile, mais elle est là : vous cherchez à nous faire savoir que, malgré tout, vous avez réussi, vous avez atteint ce qu'un grand nombre pourrait considérer comme une petite fortune pour un jeune adulte. Le message sous-jacent, même si vous semblez vouloir éviter toute forme d'ostentation, c'est que vous avez quelque chose à montrer, même si ce n'est pas un manteau en cachemire ou une montre à 5000 euros. C'est une forme de discrète exhibition, une manière de dire « regardez, je ne ressemble pas aux autres, je suis spécial dans ma simplicité ». Et, bien entendu, cette simplicité, vous la placez sur un piédestal, comme si elle était la vraie marque de distinction, comme si vous, en étant celui qui se « retient » de se montrer, vous étiez le seul à avoir compris ce qu'il fallait vraiment faire dans ce monde. Il y a là quelque chose de fascinant dans votre analyse de la société : vous semblez vouloir vous dresser en parangon de la vertu face à ceux qui succombent à la tentation d'afficher leur richesse. Mais ne serait-ce pas là aussi une forme de vanité, cette volonté de montrer aux autres qu'on n'est pas comme eux ? Une sorte de positionnement, encore une fois, qui vous place sous une lumière particulière, comme si vous deviez absolument nous faire savoir que vous êtes celui qui a choisi la voie de la simplicité, non par nécessité, mais presque par principe. C'est une sorte de surenchère de la modestie, comme si la « vraie » richesse était dans le fait de ne pas se laisser aller à trop de manifestations extérieures de réussite.

Et puis, ce n'est pas tout. Vous avez pris le temps de nous décrire cette situation dans le bus, avec toute la scène imagée de la personne qui, en vous voyant, ne pourrait pas imaginer que vous avez « presque 10 000 euros » dans votre compte en banque. Cette image, cette situation, est-elle vraiment si représentative de ce que vous ressentez ? Parce que, pour être honnête, on dirait que vous vous sentez obligé de comparer votre propre attitude avec celle de ceux qui auraient, selon vous, agi différemment. C'est un peu comme si vous vouliez que l'on reconnaisse ce décalage entre ce que vous êtes en apparence et ce que vous avez réellement. Vous vous sentez peut-être à l'aise de rester dans l'ombre de ce secret (et tant mieux pour vous, après tout, vous êtes libre de vos choix), mais en même temps, il y a cette envie évidente de souligner que ce secret, ce fait, pourrait en soi transformer votre perception dans le regard des autres, si seulement ils savaient.

C'est d'ailleurs là où les choses deviennent intéressantes. Vous nous parlez de cette richesse cachée, et en même temps, vous nous montrez une image qui serait presque celle du héros humble, celui qui choisit de ne pas s'impliquer dans la course à la reconnaissance sociale. Mais, au fond, toute cette réflexion sur l'argent et l'attitude qu'il faut avoir face à lui est-elle vraiment aussi simple que vous tentez de la décrire ? N'y a-t-il pas une petite touche de narcissisme subtil dans cette volonté de se distinguer des autres par son « attitude » face à l'épargne, de vouloir être perçu comme l'exception ? N'est-ce pas justement ce désir de se différencier des autres qui, en fin de compte, peut mener à des pensées bien plus compliquées et contradictoires qu'une simple « humilité » affichée ?

En résumé, vous avez réussi à économiser presque 10 000 euros à 26 ans. Bravo, c'est un bel accomplissement. Mais peut-être qu'au lieu de vous perdre dans cette recherche de reconnaissance de votre soi-disant simplicité, vous pourriez envisager de vous interroger sur la vraie nature de ce besoin d'affirmer votre différence et sur la manière dont vous vous positionnez par rapport à ceux qui, peut-être, n'ont tout simplement pas les mêmes opportunités ou les mêmes circonstances. Parce qu'au final, si votre but est d'être perçu comme un exemple de modération et de simplicité, il serait sans doute plus sage de garder ce secret pour vous, sans avoir besoin de souligner sans cesse à quel point vous êtes différent des autres. Après tout, la vraie simplicité, ne serait-elle pas celle qui ne se fait pas remarquer ?