Qui m'appelle ?
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Mise à jour: il y a 4 mois
Shantys
il y a 4 mois
Silence. La nuit. Le serpent et moi. Et cette certitude absurde que mon salut en cet instant ne tient qu'à cette immobilité absolue qui m'étouffe, m'écrase, me réduisant enfin à un surgeon parasite de l'énigme d'un sphinx dressé sur sa queue. Mais ce suintement, c'est peut-être bien mon pouls qui s'égoutte, charriant tout mon être vers je ne sais quel ailleurs si proche, si hideux. Impossible charade où j'assiste impuissant à ma propre diaspora dans la nuit.
Shantys
il y a 4 mois
Bondé comme d'habitude. Des ouvriers, des secrétaires de bureau, tous silencieux. Comme d'habitude des immigrés, pour la plupart arabes et portugais. Les jeunes secrétaires (?) sont debout. Les ouvriers français et les dames d'un certain âge occupent les banquettes. Au fond de la rame, toujours dans le sens de la marche, il y a la dame au roman : du James Hadley Chase comme d'habitude. Combien en a-t-il écrit, celui-là ? En face de la dame au roman, immobile, se tasse la petite vieille toute fanée, toujours agrippée à son sac à main. Près de la petite vieille, côté fenêtre de la banquette, le monsieur, un des rares hommes ayant un attaché-case et non la traditionnelle serviette, la gamelle, termine sa nuit en ronflant. Debout, sur l'allée, je reconnais les deux filles, une blonde aux dents pourries et une rousse qui porte des lunettes qui n'arrêtent pas de glousser, elles doivent, comme d'habitude, se moquer de l'homme qui ronfle.
Il y a ce matin encore, assis sur les mêmes banquettes, les mêmes qui lisent les mêmes journaux dont ils tripotent les mêmes pages avec les mêmes doigts aux ongles crasseux. Et tous les autres visages anonymement acquiesçants : depuis six mois que je prends cette voiture, en compagnie de ces mêmes visages mafflus ou bouffés par le train-train, pas un seul n'aurait pris la place d'un autre.
Voici la gare Saint-Lazare. Grouillement, marée, apparent fouillis, flot humain. Tout, sauf désordre. Chacune de ces fourmis sait où elle va, ne se trompe jamais de geste, ni de direction, comme mue par un instinct commun à l'espèce. Chaque mouvement, chaque pas est une seconde gagnée sur...la vie qui fourmille à travers ces galeries, se répand en grappes serrées dans les couloirs du labyrinthe, avant de se déverser en milliers de raclures humaines dans des milliers de trous. Métro. À gauche, direction Mairie d'Issy, c'est là que je vais. Dans trente-cinq minutes, M. Ovaro, le chef magasinier de l'usine, me dira bonjour.
Shantys
il y a 4 mois