Il y a d'autres pièges que j'ai pas mentionnés concernant l'érosion du prolétariat et l'extension de la classe moyenne, c'est qu'avec la désindustrialisation, beaucoup d'ouvriers (ou fils d'ouvriers) ont été reclassés dans des emplois du secteur tertiaire, ou bien dans des professions "qualifiées" de techniciens, cadres moyens ou employés de bureau en général, créant une multitude de classes moyennes avec une culture du travail individualiste. Bon ça je l'ai déjà dit, mais ce que cette approche individualiste du travail a engendré, c'est un comportement encore plus individualiste qui est l'adhésion à l'idéal méritocratique.

On peut réduire ça à l'idée de l'american dream, travailler plus pour gagner plus, etc. Beaucoup se perçoivent comme des travailleurs méritants et pensent que la réussite dépend des efforts individuels plutôt que des luttes collectives, ce qui est vrai uniquement à une échelle réduite en réalité.

Il y a aussi la peur du déclassement qui pousse certains à se différencier du prolétariat avec un discours anti-syndicaliste et voire même un mépris de classe.

Mépris de classe qui est boosté par la crise de l'immigration. Les classes moyennes en ont ras-le-bol de l'immigration, et avec la précarisation des emplois non qualifiés, le "nouveau prolétariat" est en partie composé de travailleurs immigrés ou issus de l'immigration récente. Donc ça crée forcément une opposition entre ce nouveau prolétariat et les nouvelles classes moyennes. Surtout que dans ce prolétariat il y a des gens qui occupent souvent les emplois les plus durs et les moins valorisés (livreurs, agents d'entretien, ouvriers du BTP…), mais comme eux ne posent pas vraiment de problèmes, ils sont invisibilisés au profit d'une frange qui profite des aides sociales.

Et donc on a grosso modo la classe moyenne qui se voit comme "la France qui travaille", qui s'oppose à "la France assistée".

Et cette fracture est bien évidemment instrumentalisée à la fois par l'extrême droite, mais aussi par le pouvoir en place. C'est pas anodin que les deux se retrouvent systématiquement au second tour et que l'un gagne toujours sur l'autre. L'un est l'idiot utile de l'autre.

Edit: par "idiot utile" je cible plutôt les électeurs, parce que les représentants du RN savent très bien ce qu'ils font et sont très conscients de la combine qu'ils ont contractée officieusement avec le parti de Macron.