Ah, la culture du néant, cette gangrène moderne qui se répand à travers les réseaux sociaux, portée par ces nouveaux prophètes du vide que sont les influenceurs. Comme des mouches attirées par la lumière crue d'un néon, des millions les suivent, les applaudissent, boivent leurs paroles insipides, leur vide abyssal. On se croirait dans un mauvais rêve, une farce tragique où le grotesque prend les traits du quotidien.

On ne parle plus de pensées, on ne parle plus d'idées, non, tout est réduit à des slogans, des images léchées, des sourires figés qui masquent un désert intellectuel. Derrière l'écran, le vide grince, il se glisse, il s'étend, il envahit tout. Ils vendent du vide, ces influenceurs, un vide bien emballé, brillant, séduisant, mais creux, ô combien creux ! Et le public, tel un troupeau docile, s'y engouffre, y plonge tête baissée, avide de rien.

Céline aurait ri jaune devant ce spectacle, ce cirque où l'on troque son âme pour un peu de lumière, où l'on s'épuise à être vu, toujours vu, mais jamais regardé vraiment. C'est l'ère du spectacle, dirait-on, mais quel spectacle ! Un défilé de faux-semblants, de poses étudiées, d'instants volés à la réalité pour les offrir en pâture à cette foule anonyme, cette masse informe qui se repaît de cette vacuité comme d'une drogue douce, anesthésiante.

Et puis, il y a cette obsession de l'instant, du "tout, tout de suite", sans effort, sans profondeur, comme si le temps lui-même se devait de plier devant leur dictature du moment. Le passé ? Inexistant. Le futur ? Inimaginable. Tout n'est que présent éternel, un présent factice, fait de pixels et de faux-semblants. Et derrière tout cela, quoi ? Rien. Rien que le néant, ce néant que l'on craint tant mais qu'ils embrassent sans vergogne, parce que, au fond, qu'ont-ils d'autre à offrir ?

Céline aurait peut-être craché son désespoir face à ce naufrage collectif, ce suicide en douce de l'esprit critique. Ou peut-être aurait-il seulement haussé les épaules, cynique, lucide, en sachant que l'homme, décidément, n'apprend rien. Il se complaît dans ses illusions, il danse sur le bord du gouffre, les yeux rivés sur ces fausses idoles, ces faiseurs de rien, ces apôtres du vide.

Et nous, que faisons-nous, sinon les regarder, fascinés, incrédules, parfois complices ? Le néant a ses sirènes, et elles chantent fort.