COMPTE RENDU D'AUDIENCE - Les faits avaient eu lieu à Créteil en octobre 2022. L'accusé, Kamel R., a également écopé d'une interdiction définitive du territoire français.

Un Algérien de 25 ans, Kamel R., a été condamné ce mercredi par la cour criminelle départementale de Paris à une peine de 7 ans de prison assortie d'une interdiction définitive du territoire français. L'accusé, visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) au moment des faits, a été reconnu coupable de deux tentatives de viol.

Le 21 octobre 2022, Alexia*, une magistrate de 29 ans, se dirige vers le tribunal de Créteil, où elle est en poste depuis peu. La jeune femme brune emprunte le trajet d'une petite dizaine de minutes entre la station de métro «Créteil Université» et le palais de justice. Une partie du chemin traverse de grands espaces verts entourés d'immeubles. Vers 10h30, un homme arrive soudain vers elle puis la plaque au sol .

«Je me suis dit qu'il s'agissait peut-être d'un prévenu que j'avais vu à l'audience ou de quelqu'un qui voulait me voler mes affaires» , a expliqué Alexia devant la cour mardi. Les intentions de l'individu sont en réalité bien différentes. «Toi et moi, on va, viens», dit-il à la victime, dans un français très approximatif, accompagné d'un geste avec ses mains. «J'ai compris qu'il avait l'intention d'avoir une relation sexuelle avec moi, il m'a relevée et tirée en direction d'un terre-plein puis entraînée à l'écart vers des habitations» , a détaillé Alexia.

Un agresseur très «déterminé»

Traînée sur plusieurs mètres dans de l'herbe humide, la jeune femme hurle «pour essayer de rameuter des gens» . Elle se débat comme elle peut pour tenter d'échapper à cet individu particulièrement «déterminé». Alertés par des cris, des passants finissent par intervenir et mettent fin à l'agression. Alexia se retrouve pieds nus et en soutien-gorge dans l'espace public. Son téléphone, ses lunettes, son trench rose, son pull de type marinière et ses chaussures à brides sont éparpillés un peu partout au sol.

«Je me souviens de l'extrême détermination de l'individu, du sentiment d'impuissance - j'étais par terre et je hurlais -, de la peur d'être violée et du sentiment d'humiliation de me retrouver à moitié nue, près du tribunal, devant les gens. J'ai eu l'impression que ça durait énormément de temps. À aucun moment il ne s'est arrêté. Que je hurle, que je me débatte, que je perde mes vêtements n'a pas entraîné de réaction chez lui» , poursuit Alexia à la barre.

Une étudiante de 20 ans agressée

L'agresseur d'Alexia a pris la fuite après l'intervention salvatrice des passants. Il ne tarde pas à refaire parler de lui. Quelques minutes plus tard, il agresse une étudiante de 20 ans inscrite à la fac de Créteil. Sorti de nulle part, il lui agrippe le bras. L'enquête démontrera qu'il avait l'habitude d'importuner des jeunes filles de la sorte.

«Il avait un regard effrayant. Il m'a tirée vers lui et m'a dit : “Viens avec moi, sois ma femme”. Je me suis dit qu'il avait des intentions à connotation sexuelle» , a témoigné Élodie* à la barre. L'agresseur se désintéresse quelques instants de l'étudiante, pour s'en prendre à une autre femme sur le trottoir d'en face, avant de se ruer de nouveau vers la jeune fille. «Je me suis sentie comme une proie, quand j'essayais de courir il me bloquait» , poursuit Élodie.

La jeune fille se présente au commissariat de Créteil le soir même. Mais sa plainte est refusée. Le motif ? Il s'agit de «drague lourde», tranche une fonctionnaire de police. «Je me suis sentie encore plus en insécurité du fait qu'on ne me prenne pas au sérieux par rapport à ce que j'avais vécu. Pendant une semaine je n'étais pas très bien» , s'interrompt la jeune fille, submergée par l'émotion.

L'agression d'Élodie a elle aussi été stoppée par des passants. Ces derniers parviennent cette fois-ci à immobiliser l'individu : il s'appelle Kamel R., un Algérien de 23 ans visé depuis peu par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Interrogé par les policiers, il explique qu'il a envie de sexe et veut «faire l'amour».

Arrivé clandestinement par la Méditerranée

Vêtu d'un K-Way, l'accusé, crâne rasé et regard sombre, s'est montré peu loquace devant la cour criminelle, répondant généralement par un simple «oui» aux questions de la présidente, traduites en arabe par une traductrice.

Mardi, le témoignage de Mounir* - Kamel R. est le petit-cousin de ce témoin -, a permis d'en savoir un peu plus sur son parcours. Selon ses dires, l'accusé était animateur de soirées en Algérie. «Il était très vivant. Il rigolait tout le temps, chantait, dansait. Il a animé le mariage de mon cousin en juillet 2020. Je ne l'ai jamais vu faire de gestes déplacés» , débute Mounir. «Il est issu d'une famille très riche et aisée en Algérie. Son père a été prof et est directeur d'école. Mais c'est très difficile de trouver du travail en Algérie. Son père ne voulait pas trop qu'il reste chez lui et il y avait un oncle en France qui voulait le faire travailler» , poursuit-il.

Kamel R. traverse la mer Méditerranée, passe par l'Espagne puis rejoint clandestinement la France à une date inconnue. Il est hébergé chez un oncle, lui-même arrivé illégalement sur le territoire français par le passé, qui vit à Créteil (Val-de-Marne). Il travaille dans l'entreprise de cet oncle avec une carte d'identité italienne.

L'été 2022 marque un tournant pour Kamel R. Son oncle le met à la porte car il ne se rend visiblement plus au travail. L'Algérien se retrouve sans domicile fixe. «Un mois avant les faits, il n'était vraiment pas bien. À ce moment-là il était SDF. Il a commencé à se renfermer et à devenir plus sombre. Il avait le regard noir et vide. On s'est dit qu'il se droguait» , soutient Mounir.

Lundi, l'accusé avait expliqué à la cour qu'il était très perturbé au moment des faits en raison d'une vidéo à caractère sexuel enregistrée par une femme. Cette dernière lui aurait fait croire que les images seraient diffusées dans son entourage. Cette vidéo a-t-elle vraiment existé ? Difficile à dire.

Une chose semble certaine : Kamel R. souhaitait retourner en Algérie en octobre 2022. Une semaine avant les faits, il est interpellé à Créteil après avoir mangé de la nourriture sans payer. L'accusé pensait qu'il serait expulsé vers son pays d'origine après avoir volé. Il n'en est rien. Le préfet émet néanmoins une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à son encontre.

Quelques jours plus tard, Kamel R. se présente au commissariat pour dire qu'il veut rentrer en Algérie. Un bout de papier lui est donné sur lequel les mots «Orly» et «police aux frontières» sont griffonnés. Problème, Kamel R. ne comprend pas ce qui y est écrit.

La présidente : «Vous aviez un passeport et une carte de retrait, pourquoi vous n'avez pas acheté un billet avion ?»

L'accusé : «Je n'ai pas de papiers ici en France, j'ai mon passeport et c'est tout».

La présidente : «Votre carte d'identité italienne vous permettait de voyager, de prendre l'avion ou le train» .

L'accusé : «Je voulais qu'ils m'aident (sans doute les autorités françaises, NDLR) à partir».

Appréhension et hypervigilance

Les agressions dont est accusé Kamel R. ont eu lieu quelques jours plus tard. Du côté des victimes, Alexia est toujours en poste au tribunal de Créteil. «J'ai été très entourée par ma hiérarchie. On m'a proposé de changer de juridiction mais j'étais bien à Créteil. Je ne voulais pas être la magistrate agressée qui arrive quelque part» , a-t-elle témoigné. Même si «les choses se sont un peu apaisées», la jeune femme redoute toujours certaines situations depuis son agression : «J'ai encore un peu d'appréhension quand je finis une audience à une heure tardive. Mais je ne sais pas trop si ce n'est pas le lot de toutes les femmes quand elles rentrent un peu tard. Ce qui déclenche vraiment de l'hypervigilance, c'est quand quelqu'un marche très vite vers moi ou arrive d'une direction que je ne vois pas» . Élodie, elle, «reste toujours assez méfiante et vigilante le soir». «Cette affaire démontre parfaitement que certains hommes pensent que le corps des femmes est à leur disposition dans l'espace public. Le fait que ma cliente ait subi cette scène en pleine matinée, devant des dizaines de passants, n'a fait qu'aggraver son sentiment d'humiliation. Plus de deux ans après les faits, elle reste encore très affectée par ce qu'elle a vécu à un moment et dans un secteur où elle pensait être en sécurité» , indiquait mardi au Figaro Me Ambroise Vienet-Legué, l'avocat d'Élodie.

La cour criminelle de Paris a également reconnu Kamel R. coupable de tentatives de viol sur deux femmes qui n'ont pas été identifiées.

• Le prénom a été modifié pour préserver l'anonymat.