« Ioduremétalique » est soupçonné d'être un poseur de bombes. Ce youtubeur de 35 ans et sa mère de 73 ans ont été mis en examen, le 7 mars, à Melun (Seine-et-Marne), pour trois assassinats et une tentative d'assassinat, avant d'être écroués. Simon, cheveux frisés et arborant une petite moustache, a réponse à tout et réfute la pertinence des éléments à charge retrouvés par les forces de l'ordre.

Il est suspecté d'avoir fabriqué et fait exploser des bombes, tuant trois personnes dont un enfant de 5 ans, en mars 2017 et en novembre 2024, dans la petite commune de Saint-Loup-de-Naud (Seine-et-Marne). Quel est le point commun entre ces deux drames ? Un conflit de voisinage pour l'usage d'une servitude qui séparait deux maisons. Et la découverte de traces d'un puissant explosif chez Simon.

Ce « MacGyver » de Seine-et-Marne anime depuis au moins treize ans une chaîne YouTube. Il y présente ses divers montages, inventions, astuces, réparations en tout genre… dans le domaine de l'électricité et l'électronique. Le roi du bricolage compte plus de 134 000 abonnés et il a publié plus de 123 vidéos.

Une effroyable déflagration en pleine nuit
Le jour n'est pas encore levé, ce mercredi matin là. Il est 4h30, quand une effroyable détonation secoue le quartier. La maison, ancrée au numéro 8 de la rue Serge-Veau, vient d'être soufflée par une explosion. Les secours arrivent et prennent en charge Florian, 35 ans, qui est extrait des décombres par des riverains.

Cet informaticien qui travaillait à domicile est conduit à l'hôpital. Ses quatre membres sont brisés. Il souffre aussi de fractures de la mâchoire, des orbites et deux de ses doigts sont partiellement arrachés.

Dans le même temps, le corps sans vie de sa compagne, Camille, 31 ans, est aussi sorti des décombres. L'autopsie révèle, sans surprise, que l'étudiante est morte écrasée et des suites d'une fracture ouverte.

Saint-Loup-de-Naud (Seine-et-Marne), le 28 novembre 2024. L'explosion de la maison du 8, rue Serge-Veau a tué Camille, 31 ans, et grièvement blessé son compagnon, Florian, 35 ans. LP/Sébastien Blondé
Saint-Loup-de-Naud (Seine-et-Marne), le 28 novembre 2024. L'explosion de la maison du 8, rue Serge-Veau a tué Camille, 31 ans, et grièvement blessé son compagnon, Florian, 35 ans. LP/Sébastien Blondé
Florian est entendu. Il ne gardait aucune matière dangereuse dans son pavillon et il avait verrouillé tous les accès de la maison. Il évoque, par ailleurs, un différend avec une famille de voisins, qui habitait à côté de chez eux avant de déménager à Sourdun (Seine-et-Marne) durant l'été 2024. Laissant la demeure inoccupée, mais y revenant parfois.

Les techniciens de la police scientifique réalisent des prélèvements dans le cratère de l'explosion qui sont envoyés au laboratoire central de la préfecture de police de Paris. L'opération se révèle payante. Du fioul, du nitrate d'ammonium et du nitrométhane sont découverts. Autant d'éléments entrant dans la composition volontaire d'une bombe artisanale d'environ cinquante kilos.

« La mise à feu ne pouvait pas être déclenchée sans une intervention humaine »
Des analyses ultérieures révèlent également la présence de pentrite. « Pour les experts, c'est la preuve que la mise à feu de cette machine infernale ne pouvait pas être déclenchée sans une intervention humaine », précise une source proche du dossier. Les enquêteurs de la brigade criminelle de Versailles (Yvelines) et de la Division de la criminalité organisée et spécialisée de Seine-et-Marne mènent les investigations.

L'étau se resserre autour des voisins décrits comme des gens « étranges », « discrets » mais aussi « conflictuels ». Ni lui, ni elle, ne disaient « Bonjour ». Un manque de politesse remarqué et peu apprécié à Sourdun, village de près de 1 500 âmes. Hélène, la mère, avait d'ailleurs laissé une très mauvaise première impression à une habitante.

« Ensuite, j'avais peur d'elle, assure la riveraine. J'ai prévenu mon mari qu'il ne fallait pas qu'on ait des soucis avec eux. Lui, je ne lui ai jamais parlé. On l'entendait travailler le soir. Il y avait toujours de la lumière chez eux et parfois tard dans leur jardin. Mais on ne savait pas ce qu'il faisait exactement. » « On le voyait passer sur son vélo électrique, parfois sur son tricycle électrique », lance un voisin. « Il passait son temps à bricoler », appuie un autre. « La dame, elle, s'occupait des plantes. Ils avaient aussi des canards. »

Des analyses révèlent la présence de pentrite au domicile de Simon
D'après plusieurs témoignages, Simon se livrait à des bricolages inquiétants qui mettaient parfois le quartier en surtension électrique, comme à Saint-Loup-de-Naud en février 2021, ou encore qui auraient provoqué des tremblements inconnus, ressentis dans le voisinage.

Le fils et la mère sont mis sous surveillance. En décembre, ils sont placés en garde à vue et une perquisition est menée chez eux. Les techniciens y réalisent de nouveaux prélèvements. Aucune preuve ne permet de les incriminer et ils sont remis en liberté.

Tout s'accélère le 20 février 2025. Les résultats des analyses, menées au domicile de Simon, révèle des traces de pentrite. La présence de ce puissant explosif active la mémoire des policiers qui font un lien avec un autre drame, survenu le 7 mars 2017, dans la même commune. La Peugeot 107 de Michel Charbonnier, 64 ans, avait explosé près de l'école de Saint-Loup-de-Naud.

La déflagration l'avait tué en même temps que son petit-fils Matthew, qui fêtait ce jour-là ses 5 ans. « À l'époque, aucune trace d'explosif n'avait été trouvée et c'est la thèse d'un accident qui avait été retenue », ajoute notre source. La maison de Michel Charbonnier avait ensuite été vendue à Florian.

Simon et sa mère clament leur innocence
Le 4 mars 2025, Hélène et Simon sont une nouvelle fois interpellés et placés en garde à vue à Versailles. Lors de ses auditions, Simon soutient qu'il n'a confiance « ni dans les experts, ni dans les policiers ». Il avance que la substance, retrouvée chez lui, est probablement de la « pentrite de transfert » car il s'était rendu à proximité du lieu de l'explosion en allant dans sa maison de Saint-Loup-de-Naud.

Interrogée, son avocate, Me Laure Godiveau, estime que les charges qui pèsent sur son client sont très faibles. Elle assure que sa présomption d'innocence doit être respectée et ne souhaite pas s'exprimer sur un dossier encore couvert par le secret de l'instruction. La mère du youtubeur, elle, nie en bloc et ne donne aucune information sur une éventuelle implication de son fils.

« Ses vidéos prouvent que c'est visiblement un gars intelligent »
« Ce qui est sûr, c'est que quand ils sortiront de prison, on aura déménagé. » À Saint-Loup-de-Naud, le voisinage des mis en cause oscille entre peur et soulagement, de savoir le fils et sa mère en détention provisoire. « Le petit Matthew était le meilleur copain de mon fils. Je venais le chercher à l'école quand c'est arrivé. J'étais à côté. J'ai tout vu », se souvient une autre voisine toujours très émue huit ans après le drame.

À Sourdun, la maison des deux suspects est aujourd'hui sous scellés. Un des voisins se souvient de la rue bloquée par la police à la fin de l'année dernière, de la présence du Raid et des services de déminage… « Ses vidéos prouvent pourtant que c'est visiblement un gars intelligent. Avoir des compétences comme ça et gâcher sa vie… Il pourrait avoir une place en or quelque part ! » Le fils et sa mère sont présumés innocents.