De mon expérience (je n'ai évidemment pas la science infuse, mais j'ai côtoyé beaucoup d'autres victimes en association, groupe de parole, ou simplement au quotidien), tes points sont très justes (à l'exception du coût, je ne crois pas me l'être posée une seule fois, cette question, mais ça s'applique peut être pour les victimes plus âgées).

Mais il y a un facteur qu'on a tendance à oublier quand on regarde avec des yeux d'adultes non-abusé, c'est l'angoisse des répercussions.

"Qu'est-ce qui va arriver à X si je parle ?"

Surtout si X est un ami de la famille, voire ton papa ou ton frère, cette question de la répercussion est omniprésente dans ton esprit d'enfant. Plus encore que la réflexion sur ce qui sanctionnerait justement l'acte, c'est l'horreur à l'idée de pensées très puériles, très naïves : "La police va arriver", "On va me séparer de mes parents", "tout le monde va savoir et on va se moquer de moi", "Si on me croit pas il va me retrouver et recommencer", "et si ses amis tuaient mes parents ?"

Bref, ce qui crée l'angoisse, c'est aussi et surtout la peur. Surtout dans le cas d'inceste où il y a en substance une ambivalence (sur laquelle je ne peux pas m'exprimer car ça ne me concerne pas) entre l'amour et l'angoisse, entre la haine et l'affection, entre la peur et la stabilité.

Un enfant qui s'entendra dire de la part de son agresseur "Si tu parles, les policiers vont me tuer" sera un enfant qui, je peux te l'assurer, ne parlera pas. Parce que tu ne peux pas empêcher le cerveau de l'enfant de s'associer lui même à un meurtre, ou a minima à la responsabilité d'une conséquence pareille.