Je me réveille à six heures quarante-cinq, sous le regard impassible d'un portrait de la Vierge Marie accroché au-dessus de mon lit. J'émerge lentement de mes draps en lin naturel, l'estomac déjà en alerte. Je ne suis pas un homme moderne, je suis un homme enraciné. Il n'y a pas de place dans ma vie pour l'aseptie, le light ou les régimes venus de Californie.

Dans la cuisine, je prépare un petit déjeuner français, chrétien et de terroir. Deux rillettes de Tours (épaisse couche de graisse incluse), un pain de campagne encore tiède, un Saint-Nectaire affiné, une confiture de cerise noire et un grand bol de café noir, brûlant, amer, viril. Je mâche lentement, religieusement, comme un moine bénédictin dans un cloître charcutier. La radio diffuse Radio Courtoisie. J'opine en silence, la bouche pleine.

Je passe ensuite à ma toilette. Je ne fais pas d'exercice. Le corps est secondaire ; c'est l'âme qui compte. Et le foie. Je prends cependant soin de moi : savon de Marseille, lotion tonique au vinaigre de cidre, une touche de talc. J'enfile ma chemise à rayures bleu marine, l'élégance d'un directeur de Rivarol ne se discute pas. Je suis peut-être en surpoids, mais jamais en déshonneur.

Je m'assieds à mon bureau de chêne massif, une tartine de terrine de chevreuil dans une main, mon téléphone dans l'autre. J'ouvre Twitter. Il est 7 h 56. Mon premier tweet commence par : « Jadis, la France se levait tôt pour labourer la terre de ses ancêtres. Aujourd'hui, elle se lève pour aller se faire injecter. »

Je souris. L'Occident s'effondre, mais mon boudin aux pommes du marché de Suresnes est intact.