Au final, Nietzsche c'était un peu un loser non ?

RI

Richirolatre

il y a 2 mois

Où il l'évoque directement, oui. C'est dans les fragments posthumes, à savoir :

"Contre le positivisme, qui s'arrête aux phénomènes : ‘il n'y a que des faits', je dis : non, justement, il n'y a pas de faits, seulement des interprétations. Nous ne pouvons constater aucun ‘fait en soi' : il est peut-être absurde de vouloir une telle chose. ‘Tout est subjectif', dites-vous : mais déjà cette affirmation est une interprétation, un point de vue. Le ‘sujet' n'est pas quelque chose de donné, c'est une fiction ajoutée à l'acte, - ce dernier est tout. Finalement, accorder à la conscience un rôle fondamental, c'est la conséquence d'un regard encore grossier et qui divise le monde selon les préjugés du langage."

C'est une critique plus profonde que celle que l'on pourrait imaginer au départ.

Sinon, il en parle autrement dans Par delà le bien et le mal et dans la Généalogie de la morale :

"Il est grand temps de remplacer enfin le travail des philosophes par celui des philologues - ces serviteurs de la science, dont la tâche est d'interpréter, de ne pas vouloir « comprendre » de manière immédiate. Il est grand temps de comprendre que ce que nous appelons ‘vérité' est en réalité un ensemble d'interprétations, toujours issues d'une perspective déterminée."

"La moralité aussi est une interprétation du monde, un symptôme du regard que portent certains hommes sur la vie. Ce n'est point la vérité mais une version parmi d'autres - et quelle version ! - une version déterminée par des conditions de vie spécifiques et des intérêts particuliers."

C'est de façon assez évidente ce qu'on peut appeler le perspectivisme.

C'est assez cohérent avec le dynamisme évoqué de ces idées, et de comment elles sont changées dans leur transmission. Ce sont tous les trois (que tu cites) des penseurs très rigoureux qui parviennent à des conclusions différentes. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas un accident mais un effet nécessaire de la nature de sa philosophie qui se veut inséparable du perspectivisme qu'il revendique... Je pense que ça participe en fait pleinement de sa richesse

La part de projection inévitable dans toute lecture est au coeur du cercle herméneutique. L'interprétation est toujours déjà un dialogue entre le texte et celui qui le lit. Et nos propres perpectives participent évidemment de ce qu'on croit découvrir. Enfin alors c'est peut-être l'idée de stabilisation qui n'a tout simplement pas sa place dans cette discussion, puisque les divergences radicales entre les trois auteurs cités sont un produit de la plasticité conceptuelle du projet nietzschéen

Mais je suis bien d'accord ! (Presque) tout est instable, et délibérément instable chez lui, il faut donc l'accepter ou ne pas le lire.

RI

Richirolatre

il y a 2 mois

Mais je suis bien d'accord ! (Presque) tout est instable, et délibérément instable chez lui, il faut donc l'accepter ou ne pas le lire.

Et merci pour le rappel des textes, que je n'avais pas lu depuis longtemps

M3

Mangeur3H

il y a 2 mois

Richirolatre a écrit :

Mais je suis bien d'accord ! (Presque) tout est instable, et délibérément instable chez lui, il faut donc l'accepter ou ne pas le lire.

La stabilité dans l'instabilité est une forme de stabilité, à l'instar d'un réacteur à particules : bien qu'il semble instable en surface, sa stabilité repose sur des lois sous-jacentes. On peut affirmer que cette stabilité est même plus puissante. Elle s'apparente à la manière dont le rejet de la subjectivité comme absolu donne corps à l'idée nietzschéenne selon laquelle il n'existe pas de faits, mais seulement des interprétations. En effet, des équilibres profonds garantissent que les idées nietzschéennes perturbent et s'ancrent dans le temps. Cette stabilité est résiliente et dynamique, et le contrecoup de cette subtilité réside dans l'apparence. Bien sûr, ce n'est que mon avis.

M3

Mangeur3H

il y a 2 mois

Richirolatre a écrit :

Et merci pour le rappel des textes, que je n'avais pas lu depuis longtemps

Avec plaisir ! C'est en effet intéressant de revenir aux textes pour éclaircir le sujet quand ça fait quasi-entièrement référence à ce que cet auteur a exprimé